(1) A propos des printemps arabes lire :  l'article de la Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Printemps_arabe) et Le Printemps arabe en perspective d'Esther Gelabert (https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-l-action-2013-2-page-11.htm)

(2) A propos de l'effondrement du bloc de l'Est lire l'article de la Wkipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Chute_des_r%C3%A9gimes_communistes_en_Europe)

 

(3) Georges Orwel ; cité dans le dossier Georges Orwell et la Novlangue de la Quinzaine littéraire, nº 411, 16 février 1984.

 

(4) Allusion au roman d'Ira Levin en 1970.

 

(5) Un livre important sur le sujet sort, justement, en 1974 : Boris Aizykman, Science-fiction et capitalisme.

 

Annah Arrendt

POUVOIR-S : LE TOTALITARISME COMME SOMBRE AVENIR DE L'HUMANITE ?

 

« Le Meilleur des mondes est un livre sur l'avenir, et, quelles qu'en soient les capacités artistiques, un livre sur l'avenir ne peut nous intéresser que si ses prophéties ont l'apparence de choses dont la réalisation peut se concevoir. » (Aldous Huxley)

 

Introduction

La SF et son cinéma projettent dans le futur des éléments du présent sous la forme d'un inconscient politique et permettent ainsi de mener une réflexion à rebours sur les enjeux présents. On l'admet sans problème pour ce qui est des évolutions technologiques, du devenir de l'humain face aux machines, ou du futur écologique, mais c'est également vrai en ce qui concerne les enjeux politiques. On peut considérer les constructions politiques du futur comme des expérimentations de ce que le présent pourrait donner (elle a donc une fonction heuristique). Très rapidement on se rend compte que les constructions politiques du futur relèvent de la contre-utopie tant elles sont noires voire désespérées.

Nous verrons comment la démocratie est menacée d'extinction ; comment le totalitarisme semble l'horizon indépassable du futur politique ; enfin comment le cinéma de SF met en scène d'autres formes de pouvoirs et d'enjeux.


 

I- La democratie menacee

 

La démocratie libérale est le modèle politique dominant de notre époque. Force est de constater que l'observation de son fonctionnement, au prisme de nos inquiétudes, donne des projections futures bien inquiétantes.

 

A- Etude de cas : Star Wars, la prélogie

 

La trilogie initiale (Un nouvel espoir en 1977 ; L'Empire contre-attaque en 1980 et Le retour du Jedi en 1983) a un background politique réduit à sa plus simple expression : une rébellion affronte un Empire dictatorial (même s'il reste trace d'un Sénat). Cette trilogie est avant tout un spectacle et Georges Lucas l'a conçu alors que le contexte géopolitique est assez simple : le monde est partagé entre les démocraties libérales et le bloc socialiste et, même si le réalisateur se défend du moindre anticommunisme, il reprend les schémas de son époque auxquels il superpose un élément fondateur des États-Unis, la guerre d’indépendance (1776-1783). La prélogie (La menace fantôme en 1999 ; L'attaque des clones en 2002 et La revanche des Siths en 2005) a, elle, un discours politique plus complexe : elle raconte comment une démocratie (la République Galactique) se transforme en un régime totalitaire, l'Empire...


1) Le modèle politique dans la prélogie Star Wars

 

La Galaxie est une fédération de planètes, souveraines, aux régimes politiques divers (Naboo est une royauté dirigée par Padmée Amidala, modèle du Monarque éclairé du XVIII° siècle). La République galactique (qui dure depuis 1 000 ans) est un système parlementaire et même dans un univers de fusées, clones et robots, en matière politique c'est le passé qui sert de matrice :

  • la République fonctionne 'à la romaine' avec un Sénat Galactique basé sur Coruscant qui débat des sujets de société et de la législation. Il fonctionne certainement avec un système de partis politiques, dont nous ne savons rien si ce n'est qu'il existe une opposition (Padmée l'incarne à un moment) ;
  • le chancelier suprême (il n'y a pas de président) est chef de l’exécutif. Il est élu et susceptible d’être renversé par le Sénat. Il peut disposer des pleins pouvoirs sur vote du Sénat. C'est le modèle classique du détenteur de l'exécutif ;
  • le conseil des Jedis (12 membres semble-t-il) est en charge du maintien de la paix (pouvoir militaire) et de l’ordre (pouvoir de police) dans la galaxie, mais sans pouvoir législatif. C'est également une sorte de service secret, les administrateurs des archives. Un tel organisme ne semble pas avoir existé dans l'histoire et les inspirations sont multiples : cour constitutionnelle, cabinet restreint, conseil des sages, etc.
Annah Arrendt
Annah Arrendt
Annah Arrendt
Annah Arrendt
Annah Arrendt
Annah Arrendt

Annah Arrendt

 

John Hurt

 

Annah Arrendt

UNE du New-Yorker, octobre 2018

 

MACHINES dominatrices : VIKI - HAL 9000 - SKYNET - COLOSSUS et GUARDIAN - une SENTINELLE

 

2) Les mécanismes de l'effondrement

 

 

 

Les 3 films de la prélogie décrivent de façon explicite comment un système démocratique bascule dans la dictature. Il met en jeu la théorie dite de l'anacyclose de l'historien de la Grèce antique Polybe et vaut avertissement pour la situation des démocratie des années 2000 et, en 1er lieu, les États-Unis post-11 septembre 2001 (même si les sources d'inspiration ont des racines plus anciennes). Les mécanismes :

  • Un homme politique déterminé et machiavélique. Le chancelier Palpatine (en fait le Sith Dark Sidious) œuvre à un véritable coup d'état. On peut retrouver 2 inspirations historiques : d'abord Hitler dont l'accession au pouvoir fut légale (30 janvier 1933) même si les moyens pour y arriver (violence et intimidation) sont totalement contestables. La 2nde inspiration est l'arrivée au pouvoir de Napoléon, d'ailleurs moins Napoléon Bonaparte que Louis-Napoléon (le neveu) qui mit fin à la 2nde République en 1851.
  • un régime parlementaire imparfait. Le Parlement Galactique montre ses défauts voire ses tares : corruption, bureaucratie, divisions stériles... souvent pointés du doigt, à tort ou à raison, dans nos démocraties actuelles. C'est le discours contre establishement (dont Donald Trump est l'archétype) que l'on retrouve quand Palpatine pousse Anakin à passer du coté obscure.
  • Un discours de la peur. Dans le film un sentiment d’insécurité s’installe après un attentat contre la sénatrice Padmé Amidala. Palpatine va alors instrumentaliser cette menace terroriste pour faire voter des mesures d’urgence, dont les pleins pouvoirs et enclencher un processus de militarisation du régime avec l'armée des clones, outil de survie puis de perte de la République. L'allusion avec la situation américaine post-11 septembre est évidente : la Guerre contre le terrorisme lancée par Georges W. Bush a donné un rôle clef à l'armée et restreint les liberté avec le Patriot Act. L'intervention en Irak en 2003, fondée sur des mensonges d'état fut un déni démocratique enrobé d'un patriotisme éhonté (à la phrase « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes » de Georges W. Bush répond, en écho, ce que dit Anakin à Obi Wan, « Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes mon ennemi ».
  • Un coup d'état accepté par la majorité. Quand l’ordre 66 (en fait le coup d’Etat) est lancé les Jedis, devenus ennemis de la République sont massacrés et certains sénateurs arrétés mais la majorité de ceux-ci se réjouissent, amenant Padmée a résumer ainsi la situation : « Ainsi s’éteint la liberté, sous une pluie d’applaudissement ». L'analogie historique avec les accessions au pouvoir de Hitler, Mussolini ou les Bonaparte est nette. Rappelons par exemple que Hitler, chef du parti majoritaire (NSDAP) après les élections de novembre 1932 est nommé chancelier par le vieux maréchal Hindenbourg, président de la République, le 30 janvier 1933. Il lui faudra 18 mois pour établir sa dictature en ayant obtenu les pleins pouvoirs en mars 1933 et le titre de Reichfürher en août 1934.

Le conseil des Jedi et le Sénat galactique.

Conclusion

 

Si la 2nde trilogie est peu politique, la prélogie l'est complètement, mais globalement l'univers de Star Wars est peu idéologique : seule la morale et la lutte entre le Bien et le Mal servent de socle idéologique. Ce sont les balancements de la nature humaine qui comptent plus que les aléas politiques : ainsi c'est plus le basculement d'Anakin vers le coté obscure qui compte que le basculement de la République vers l'Empire. C'est pour cette raison que l'on peut se demander si, politiquement, l'impact de Star Wars sur le spectateur ne serait pas négatif, contribuant à renforcer une vision simpliste et binaire de la politique ?

 


B- Un cinéma de la peur

 

Le cinéma de SF met très souvent en scène les grandes peurs qui traversent les sociétés contemporaines. En matière politique l'affaiblissement et la perversion de la démocratie sont privilégiés au travers de 3 thèmes principaux qui reprennent, en les amplifiant, des tendances contemporaines.


1) L'insécurité

 

Les mondes futurs sont souvent violents et la sécurité devient une préoccupation qui pervertit la démocratie. Cet argument se retrouve dans Judge Dreed (Danny Cannon, 1995) ou dans Robocop (Paul Verhoeven, 1988) : dans les 2 cas l’obsession de disposer de super-policiers incorruptibles pouvant s'affranchir des lois et de la morale affaiblit la démocratie.

Dans la veine des films d'actions décomplexés des années 70-80 (comme Inspecteur Harry, Un justicier dans la ville, Rambo, etc.) John Carpenter a repris et magnifié le thème de l'insécurité qui met à mal tous les principes démocratiques dans New-York 1997 (1981) puis Los Angeles 2013 (1996),

 

2) Les inégalités sociales

 

Moteur des dystopies la ségrégation sociale est projetée, dans le futur, de manière au mieux glaçante, au pire terrifiante. Pas un film dystopique sans ses factions (Divergente, Neil Burger, 2014), districts (Hunger Games, Gary Ross, 2012), nantis outrageusement privilégiés (Elysium, Neil Blomkamp, 2013), etc. Parfois ces inégalités sont pensées de façon très originale : dans Time Out (Andrew Niccol, 2011) c'est le temps disponible qui crée les écarts sociaux ; dans District 9 (Neil Blomkamp, 2009) ce sont les extraterrestres les laissés-pour-compte de la société...

 

3) Le citoyen dépossédé

 

Le 3° grand thème est celui de la dépossession du pouvoir du citoyen (leitmotiv des Gilets Jaunes et de nombre de penseurs politiques dans la France actuelle). Celle-ci passe par différents biais : le citoyen abruti par les média : Rollerball de Norman Jewison (1978) ou Running Man de Paul Michael Glaser (1988) ; le citoyen endoctriné dans les dystopies totalitaires (cf. plus bas) ; le citoyen sous contrôle chimique : que ce soit le Prozium d'Equilibrium ou la Soma d'Orwell ; etc.

 

 

Conclusion

La démocratie (au sens de la démocratie libérale et de la démocratie représentative) est malade dans les films de SF puisque les créateurs projettent les symptômes (réels ou supposés) que leur renvoient leur propre société. Cette projection peut aller jusqu'à la dystopie totalitaire.

 

 

 

II- Le-s totalitarisme-s comme avenir du monde ?


Si le nazisme et le Stalinisme ont le plus inspiré le cinéma de SF pour l'invention de mondes totalitaires, celui-ci a su également mettre en scène des formes douces et insidieuses du totalitarisme. Par contre, et ce bien plus que dans tous les autres thèmes traités par le cinéma de SF, l'essentiel des films sont des adaptations d’œuvres littéraires : la paternité du monde totalitaire décrit revient donc à l'auteur et non au metteur en scène. Nous essayerons d'examiner quels choix dominent lorsqu'il s'agit d'adapter à l'écran une œuvre littéraire afin de voir quelles spécificités le cinéma apporte à la représentation du totalitarisme.

 

 

A) Etude de cas : Hunger Games


La tétralogie Hunger Games (Gary Ross puis Francis Lawrence) est sortie entre 2012 et 2015. C'est l'adaptation des romans de Suzanne Collins parus entre 2008 et 2010. L'action se passe après un effondrement de la civilisation dans un état supposé Nord-Américain, Panem (pain en latin), au régime totalitaire. L'histoire suit Katniss Everdeen dans ses participations aux jeux appelés Hunger Games jusqu'à la révolte finale qui embrase Panem et en détruit les fondements. Hunger Games est une des plus récente « mise en images » d'un régime totalitaire.

Ainsi s’éteint la liberté, sous une pluie d’applaudissements.

1) Les fondements du totalitarisme dans Hunger Games

 

Panem présente les caractéristiques d'un monde totalitaire au croisement de multiples références. Nous avons :

  • une dictature. Coriolanus Snow règne en despote sur le Capitole qui, lui-même, contrôle les 12 districts ;
  • le contrôle social. La société de Panem est controlée d'abord par les jeux, outil de répression (les combattants sont des tributs, c'est à dire une forme matérielle d'allégeance) et outil de divertissement (ils évoquent les Jeux du Cirque romain). Le control est aussi plus 'classique', par une police (les pacificateurs) répressive et par un système quasi carcéral puisque des barbelés entourent les Districts ;
  • l'endoctrinement. La propagande est frontale (un court film est projeté lors des tirages au sort, oeuvre grossière mais percutante) ou indirecte (les écrans sont omniprésents et les codes de la téléréalité sont appliqués) ;
  • une économie dirigée. Les 12 districts sont spécialisés dans un type d'activité économique (le 11 c'est la mîne ; le 12 l'agriculture ; etc.). Cette spécialisation est également le fondement des inégalités sociales très fortes dans Panem : entre l'opulence du Capitole et la misère des districts 11 et 12. Cela peut être vu comme une métaphore de l'exploitation capitaliste ainsi que des déterminismes sociaux qui figent les gens dans leur conditions originelles.

 

2) Que retirer de l'effondrement de la dictature de Snow ?

Hunger Games : la bande-annonce en VF.

L'Embrasement (2n volet, 2013) et La Révolte (3° et 4° volets, 2014 et 2015) relatent l'effondrement du régime totalitaire de Panem en mettant en avant les mécanismes, qui, reconnaissons-le, renvoient assez bien à des situations historiques récentes, particulièrement le Printemps Arabe de 2011(1) ou, plus éloigné, l'effondrement du bloc de l'est entre 1989 et 1991(2), même si les impératifs romanesques et cinématographiques ont amené les auteurs à faire des choix. Osons le parallélisme entre Hunger Games :

  • l'éveil de la conscience. Katniss, d'abord préoccupée de survie va peu à peu prendre conscience de la situation et s'éveiller à la révolte. C'est aussi le combat d'une héroïne très solitaire, contre une masse. Métaphoriquement elle représente l'éveil de la population ressentant son oppression, prenant conscience de sa force et prête, peu à peu, à la révolte ;
  • la nécessité de s'organiser. La révolte spontanée de la population du district 11 (suite à la mort de la jeune Rue) échoue. La solidarité devient une vertu nécessaire de toute révolte ;
  • la puissance des symboles. Le geai moqueur ou le signe de la main levée ont une fonction fédératrice. La mort de Rue est élevée également au rang de symbole (martyre ?). On ne dira jamais assez l'importance des symboles dans les révolutions populaires, comme la couleur orange en Ukraine ou l'immolation par le feu du jeune tunisien Mohamed Bouazizi perçue comme le déclencheur des printemps arabes ;
  • le pouvoir acculé à la violence. Devant la révolte qui monte le pouvoir accentue la répression : en transformant les 75° jeux en jeux de l'expiation ; en anéantissant le district 12 ; en rasant un hôpital ; etc. Cette violence sera fédératrice pour les opposants. Avant de céder les dictateurs des pays arabes usèrent de la violence policière : plus de 300 morts dans la Tunisie de Ben Ali et près de 1 000 morts dans l'Egypte de Moubarack.
  • le rôle de la morale. La moral est le ressort principal de la révolte : détruire un système incarnant un Mal absolu. Mais les rebelles utiliseront également des moyens immoraux, d'un niveau comparable à celui de la dictature (propagande, violence, etc.)... La morale sera sauve puisque Katniss exécutera la cheffe de cette rébellion. D'ailleurs les manipulations de la présidente Coin ont leur précédent historique en Roumanie, lors de la chute des Ceausescu ;
  • une transition incertaine. Les morts simultanées des leaders de la dictature (Snow) et des rebelles (Coin) ouvre une ère d’incertitude puisque le film, politiquement, se clôt sur l'espoir d'un construction démocratique, pas plus... La situation post-révolution des pays comme la Tunisie, l'Egypte ou la Lybie rappellent les incertitudes politiques suivants les périodes révolutionnaires.

 

3) Une saga aux sens multiples

 

En ne conservant de la tétralogie que ce qu'elle nous dit du totalitarisme on se rend compte que c'est une vision apurée à l’extrême de ses mécanismes. On distingue mal les principes qui le sous-tendent ni le projet de société qu'il y a derrière : le Capitole domine, pour dominer... or un système totalitaire est toujours sous-tendu par un projet social et politique radical (le socialisme absolu, l'Aryanisme, l'homo fascii, la théocratie Islamiste, etc.). Par contre on distingue bien l'un des éléments clefs du discours totalitaire, le rejet d'un passé honni, ici en l’occurrence, la guerre civile qui avait, 75 ans plus tôt embrasé Panem.

 

Les concepts politiques mis en scène tirent grandement leur inspiration de l'Antiquité romaine mais aussi des archétypes totalitaires que sont le nazisme et le Stalinisme ; elle puise aussi dans des œuvres dystopiques marquantes du XX° siècle : 1984 ou Le meilleur des mondes et surtout le film Battle Royale de Kenji Fukasaku en 2001. Hunger Games fonctionne aussi en métaphore contemporaine : dénonciation d'un type de gouvernement tentaculaire et intrusif (sorte de Big Governement) ; parabole du mouvement Occupy Wall Street (similitudes de dates entre le mouvement et la sortie du 1er volet de la saga, 2011 – 2012)...

 

Hunger Games, la révolte (partie 2) : la bande-annonce en VF.

Enfin il est difficile de distinguer les films des livres tant l'effort de fidélité a été important (Suzanne Collins participa activement à l'écriture du scénario). Sur le plan des bases et concepts politiques il n'y a rien à dire ; la grande question est celle de la représentation et de l'esthétisation de la violence... mais c'est un autre sujet...

 

B) Totalitarisme et cinéma de SF


Le cinéma de science-fiction excelle à représenter des dystopies totalitaires. Ce concept complexe a été incarné dans 2 oeuvres littéraires majeures, Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley (1932) et 1984 de Georges Orwell (1948), qui 'enfantèrent' une kyrielle de représentations cinématographiques.

 

1) Le concept de totalitarisme

 

Le concept de totalitarisme n'est pas figé; il a été abondament étudié et a fait (et fait encore) l'objet de débats. Ce concept a été forgé avant tout par Annah Arrendt (Les origines du totalitarisme, 1951) et s'appliquait à l'Allemagne Nazie (1933-1945) et l'URSS Stalinienne (1927 – 1953), ces 2 pays représentant l'archétype totalitaire. Il fut étendu à l'Italie Mussolinienne (1922-1943) puis à d'autres régimes : Corée du Nord depuis 1948, Chine Maoïste (1949-1976) ou encore l’État Islamique (2014-2019). Le terme a pris un sens très politique sous la formes de néologismes incriminant des évolutions que d'aucun pensent porteuses de tentations totalitaires comme par exemple le totalitarisme marchand du système capitaliste mondialisé.

Retenons les attributs principaux du totalitarisme historique :

  • un chef (souvent charismatique) dirige un parti unique qui contrôle un appareil d'État bureaucratique ;
  • une idéologie imposée qui promet une Révolution radicale et porte un projet de régénération de la société ;
  • un appareil policier répressif recourant à la terreur de masse ;
  • une économie dirigée ou orientée pour la satisfaction du projet idéologique ;
  • une société surveillée, endoctrinée, encadrée, en particulier par des moyens de communication de masse contrôlés permettant une propagande à grande échelle

 

2) Deux œuvres fondatrices : 1984 et Le meilleur des mondes

 

Les ouvrages d'Aldous Huxley (1932, œuvre largement prémonitoire) et de Georges Orwell (paru en 1948) transcendent largement l’histoire des régimes nazi et communiste, pour être des paraboles sur un 'possible' avenir.

 

Georges Orwell, 1984

 

George Orwell écrivit 1984 dans les derniers temps de sa vie (une vie tumultueuse qui culmina avec sa participation à la guerre d'Espagne en 1936), après la Deuxième Guerre Mondiale et l'horreur nazie, au moment où le Staline règne en URSS. La date, 1984, est largement dépassée bien sûr (rappel : 1984 c'est 1948 à l'envers...) mais il faut avoir à l'esprit qu'elle n'était qu'indicative et que l'oeuvre est une satire. Il nous dit d'ailleurs « 1984, mon récent roman, n'est pas conçu comme une attaque contre le socialisme […] mais bien une dénonciation des perversions auxquelles une économie centralisée peut conduire et qui se sont déjà manifestées dans le communisme et le fascisme. Je ne crois pas que le genre de société que je décris se produira nécessairement mais je crois […] que quelque chose de semblable pourrait arriver. »(3)

 

Océania, l'un des 3 blocs antagonistes qui se partagent le monde, est un régime totalitaire (l'AngSoc) qui soumet la population à l'autorité de Big Brother. Winston Smith, un membre du Parti, transgresse, par amour, les règles mais il sera trahi et rééduqué.

 

L'adaptation cinématographique du roman date de 1984 (justement). Michael Radfort doit faire face à un défi de taille : adapter un roman culte à la date où l'action est censée se produire... alors que rien de tel n'est arrivé et que Hitler et Staline sont morts depuis longtemps ! Il choisira la fidélité au roman tout en renforçant l'intrique amoureuse entre Winston et Julia. Il pourra s'appuyer sur des acteurs au top, dont un John Hurt habité par le personnage de Winston (et dont la dégradation physique tout au long du film est assez stupéfiante). Les décors sont d'une austérité glaçante. Le montage met en avant de rares moments oniriques au sein d'une narration dominée par des plans sombres. Enfin avec son chef-opérateur il choisira le sépia pour opacifier son propos. Cette adaptation était une gageur qui ne dépassera pas la puissance, intact, du roman.

 

Le livre (et le film) vont fixer pour longtemps les codes de la dystopie totalitaire :

  • la négation de l'individu : par exemple la sexualité est réprimée car c'est un signe d'individualisme ;
  • les instruments du contrôle social sont la surveillance incessante ('Big Brother is watching you'),  la police omniprésente et l'usage de la torture. La novlangue, un dérivé de l’anglais, dont la grammaire et le lexique ont été détruits ne permet pas l’expression des pensées subversives. Enfin le travail imposé est harassant et abrutissant pour les prolétaires (soit 85% de la population) ;
  • l'endoctrinement de la population (surtout la jeunesse élevée dans l'art de la délation) se fait par la propagande omniprésente et des manifestations de masse comme la minute de la haine ;
  • la falsification de l'histoire et des faits (on dirait aujourd'hui les fake-news) permet d'acrire une histoire officielle ;
  • les contre-pouvoirs sont faibles, voire ils servent la cause du pouvoir qui n'hésite pas à les instrumentaliser ou même les inventer ;

 

Aldous Huxley, Le meilleur des Mondes

 

Aldous Huxley écrivit Brave New World en 1932, un moment où il est encore marqué des horreurs de la Grande Guerre. A cette époque Huxley est très sensible aux progrès scientifiques et technologiques, au triomphe de la productivité capitaliste, à la crise sociale initiée en 1929, à la montée des nationalismes et des totalitarismes.

 

Dans le monde de l'an 632 NT (« Notre Ford ») la paix règne au sein de l'Etat Mondial. La reproduction est contrôlée et adaptée aux 5 castes qui structurent la société. Le conditionnement précoce et une drogue, le soma, maintiennent les individus dans le culte du bonheur, de la consommation et de la vie en société (l'individualisme est banni). Les rares individus échappant à ce Brave New World vivent en sauvages dans des réserves. Le roman suit les évolutions (tragiques) de 3 personnages : le héro, Bernard Marx, Lenina Crown et John « le sauvage ».

 

Le roman a été adapté 2 fois sous forme de téléfilm : par Burt Brinckerhoff en 1980 et surtout par Leslie Libman et Larry Williams en 1998. Aucun des 2 n'a marqué l'histoire du cinéma. Le fait qu'il n'y ait jamais eu de « grand » film (en 2005 Ridley Scott y avait réfléchi mais le projet avorta) est certainement un signe de la puissance de l’œuvre dont l'écho si contemporain la rend « inaccessible » (?)

 

Le meilleur des mondes est une utopie dans laquelle le bonheur est obligatoire et qui promet aux citoyens, par le biais des technologies, une vie sans vieillissement, dans la satisfaction de tous les besoins matériels. Mais ce bonheur a un prix :

  • la négation de l'individu qui n'existe qu'au travers de la communauté ;
  • la sélection génétique qui permet d'adapter l'embryon à l'une des 5 castes à laquelle il appartient (la procréation naturelle est bannie et l'eugénisme est admis) ;
  • le rejet du passé et de ses fondements nocifs au profit du progrès et de la science : le Grand Administrateur résume cette idée ainsi « Dieu n’est pas compatible avec les machines, la médecine scientifique et le bonheur universel » ;
  • la drogue (le soma) qui permet d'entretenir une bienheureuse insouciance ;
  • le conditionnement qui permet à chacun d'accepter son statut social : par hypnopédie les enfants sont conditionnés, par exemple à rejeter les livres (sources de subversion) et les fleurs (source de contemplation)

 

3) Mondes totalitaires

 

Commençons par une curiosité tournée en 1936, La vie future de William Cameron Menzies (avec participation de HG Wells pour le scénario). Pour quoi une curiosité ? Parce qu'il décrit la mise en place en 2036 d'une société hyper-technologique et religieuse (après une terrible série de guerres) dominé par un pouvoir qui utilise des soldats très 'aryens', vêtus de noir combattants des opposants peu amènes, dans un décor immaculé de bâtiments et de places rectilignes, lieux de démonstration populaires... Nous sommes en 1936, année des JO de Berlin... le film n'est pas nazi... mais certaines influences par contre ?

 

Sinon la postérité cinématographique des œuvres d'Orwell et de Huxley est considérable. Alors qu'on pourrait attendre plus d'emprunts à Huxley (du fait de sa contemporanéité) qu'à Orwell (un modèle de totalitarisme dépassé ou du moins rarement observé depuis) on constate que le cinéma de SF se nourrit largement des 2 visions pour dépeindre les futurs totalitaires. Ma préférence va à THX 1138 de Georges Lucas (1970) parce qu'il est l'aboutissement épuré, minimaliste, quasi expérimental des réflexions des auteurs de SF depuis Orwell. Sinon, petite typologie des représentations du totalitarisme dans les films de SF :

  • Ubu roi. Dans Brazil de Terry Gilliam (1985) le totalitarisme Orwellien est tout aussi répressif mais son caractère bureaucratique le rend quasiment surréaliste. L'humour « Monty Python » allège l'ambiance mais laisse intact la puissance de la dénonciation. Woody Allen s'est aussi essayé au burlesque dans Woody et les Robots (1973) même si la dictature totalitaire de 2173 n'est qu'une toile de fond de cette comédie.
  • Totalitarisme biotechnologique. Dans Bienvenue à Gattaca, sorti en 1997, la sélection génétique et l'eugénisme sont les bases de ce futur aussi glaçant que la mise en scène d'Andrew Niccol.
  • Un bonheur insoutenable.(4) Le bonheur obligatoire, fondement du roman d'Uxley a inspiré d'autres films. Les femmes de Stepford, le roman d'Ira Levin (1972), fut adapté 2 fois, par Bryan Forbes en 1975 puis par Frank Oz en 2004. Si cette dernière adaptation, trop cartoonesque peut être oubliée, le roman et le film des années 70 sont extrêmement intéressants. Dans un contexte de doutes et de remises en cause ce sont des œuvres qui s'attaquent avec virulence et talent au conformisme de la Middle Class américaine, au machisme, au culte des apparences et au système patriarcal qui devient alors une sorte de totalitarisme domestique. Fahrenheit 451 de François Truffaut (1966) est l'adaptation du roman de Ray Bradbury. Si en 1953 on peut voir dans le roman une critique implicite des dérives politiques américaines (le MacCarthysme) le film se recentre sur le propos initial : une société au bonheur factice sous emprise totalitaire. On retrouve les caractères du totalitarisme classique (police, censure, surveillance...) mais aussi du totalitarisme Orwellien (abrutissement par les média de masse, la censure culturelle avec les autodafés de livres, les technologies asservissantes...). Dans Equilibrium de Kurt Wimmer (2002) le gouvernement de Libria, tirant les leçons d'un terrible holocauste nucléaire, part du postulat que l'éradication des émotions est la clef de la paix et du bonheur : le prozium, puissant inhibiteur, en est la l'instrument. Le totalitarisme d'Equilibrium a un fondement religieux (le dirigeant est le Père, la police ce sont les Ecclesiastes, etc.) et relève également des Paradis Artificiels (prozium = soma d'Orwell).
  • Panem et circenses... à l'écran. Comme les Hunger Games d'autres jeux du cirque ont été imaginés, par des pouvoirs autoritaires du futur. Fondés sur le voyeurisme télévisuel ils ont toujours le double but de satisfaire les instincts primaires du public et d'abrutir les masses : Rollerball de Norman Jewison (1978) ou plus récemment, Alita, Battle Angel de Robert Rodriguez en 2019. Un des plus célèbre date de 1988, Running Man de Paul Michael Glaser Schwarzy dégomme du méchants devant un public hystérique.
  • Du geai moqueur au masque de Guy Fauwks : la puissance des symboles. Dans les films de SF les pouvoirs totalitaires du futur sont abattus à la fin, le plus souvent par l'action d'un héros fédérateurs. Les mécanismes de la révolte contre un pouvoir totalitaire ne sont pas le forts de ces films mais le symbolique est systématiquement mis en avant. Après Alan Moore (1989) et surtout après le film V for Vendetta de James Mc Teigue (2006) le masque de Guy Fawkes, incarnation de l'opposition violente à un régime fasciste, est devenu un symbole des altermondialistes post-crise de 2008.

Hunger Games, la force des symboles : à gauche, Occupy Wall Street, Washington Post, 2012 - à droite, Hong-Kong, 2019.

  • La caste, outil de domination. Huxley avait ouvert la voie avec ses 5 castes génétiquement prédestinées. On retrouve ce topoï dans nombre de sociétés totalitaires du futur dans laquelle le pouvoir autoritaire impose une stricte ségrégation sociale à l'image des districts de Hunger Games. Par exemple dans la pseudo démocratie de Divergente (Neil Burger, 2014) 5 factions structurent la société et ce strict cloisonnement est la garantie de la paix sociale.


 

Conclusion

Si l'influence du nazisme, fascisme, Maoïsme ou Stalinisme est évidente, à la suite d'Orwell, les auteurs et réalisateurs de SF prennent des libertés avec le concept scientifique de totalitarisme : par exemple l'idée du cloisonnement social a été, par essence, étranger aux totalitarisme du XX° siècle. Le totalitarisme à la Huxley a irrigué les productions des années 70-80 avant de connaître un nouvel élan depuis les années 2000-2010 : crise économique de 2008, terrorisme mondialisé, bond technologique, société de la surveillance, angoisse environnementale... Et puis, avec Donald Trump nous avons un magnifique (et désastreux) exemple de ré-écriture alternative de l'histoire au travers des fake-news !

 

 

 

 

III- conflits et enjeux de pouvoirs

 

Il existe de nombreuses façons d’exercer un pouvoir, la plus évidente étant celle du pouvoir politique lié à la souveraineté (chefs d'État, dirigeants politiques). Mais d'autres formes de pouvoirs existent, liés à l'influence sociale exercée (officiellement ou officieusement). Dans la représentation du pouvoir ou plutôt des pouvoirs, le cinéma de SF a imaginé des futurs multiformes avec 3 thèmes privilégiés : le pouvoir impérialiste des grandes sociétés capitalistes ; les enjeux de pouvoirs entre hommes et machines ; la place et le rôle des individus dans les jeux de pouvoirs futurs.

 

 

A- Le grand méchant capital

 

Qu'ont en commun la CHOM, la Tyrell Corp, la RDA, la Soylent ou encore l'OCP ? Ce sont toutes des entreprises capitalistes du futur mises en scène dans un film de SF (à vous de trouver lesquels ;-) dans lequel le système libéral est poussé jusqu'à des logiques extrêmes.

Jusqu'aux années 70 les pouvoirs alternatifs au politique étaient surtout incarnés par le militaire ou le savant. A partir des années 70 ce sera, entre autre, la Mutinationale(5) largement diabolisée par le courant cyberpunk à partir des années 80. En partant d'interrogations très contemporaines sur l'affaiblissement de la souveraineté étatique (ou supra-étatique) ces films posent une double question, : avec l'affaiblissement de la souveraineté étatique ne risque-t-on pas de finir aux mains d'un pouvoir dirigeant de droit privé et, dans ce cas, le citoyen deviendrait-il simplement un 'employé' ?

Quelques films remarquables sur ce thème :

  • dans Dune (Franck Herbert, 1965, adapté par David Lynch en 1984) derrière l'Empereur Padishah Shaddam IV se dissimule la Compagnies des Honnêtes Ober-Marchands (CHOM) avec en son sein la Guilde des Navigateurs de l'Espace qui, en tordant l'espace grâce à l'épice, contrôle la navigation spatiale. Elle imposera l'élimination des Atréides et le contrôle d'Arakis ;
  • dans Rollerball de Norman Jewison (1978) de puissants cartels économiques ont remplacé les nations et ont rétabli les jeux du cirque ;
  • dans la série des Alien (6 films entre 1979 et 2017) la société Weyland-Yutani est une représentation des grands groupes capitalistes du complexe militaro-industriel, faisant passer le profit au dessus de la vie humaine (par cette société, le xénomorphe est une arme potentielle à maîtriser). C'est sur le même schéma que fonctionne le film Léviathan de Georges Pan Cosmatos (1989) ;
  • dans un futur proche la police de Détroit est contrôlée par le cartel OCP qui décide de créer un policier cyborg, le Robocop (Paul Verhoeven, 1987). D'ailleurs dans le 2nd volet (Irvin Kerschner, 1990) l'OCP tente une OPA sur la ville de Détroit ;
  • Avatar (James Cameron, 2009) met en scène la RDA (Administration du Développement des Ressources) un mélange d'ONG et d'entreprise capitaliste disposant d'une force paramilitaire privée

 

Dans ces films les tendances en cours dans l'organisation capitaliste actuelle sont amplifiées et critiquées: gigantisme, mondialisation à l'échelle galactique, quête du profit, manipulation... Mais on peut également remarquer que, même diabolisé, le capitalisme paraît le seul horizon de la pensée pour le futur !?

 

 

 

B- Cyberespace et robots

 

1) Le pouvoir à la machine

 

La science-fiction a très tôt posé la question des rapports hommes / machines en de multiples termes (hybridation homme-machine, homme-augmenté, transhumanisme...) parmi lesquels la relation au pouvoir. Le thème le plus classique est celui de la machine échappant à sa condition et s'emparant du pouvoir : le syndrome de Frankenstein :

  • La machine peut chercher à éliminer l'humanité ou à l'asservir. Dans lé série de films Terminator (de James Cameron en 1984 à Tim Miller Dark Fate – en 2019) Skynet déployé pour assurer la défense du territoire américain échappe à tous les contrôles et détruit l'humanité. Dans Matrix Lana et Lilly Wachowski vont plus loin : les machines ont asservi l'humanité pour satisfaire leurs besoins énergétique, créant un monde virtuel pour maintenir les humains vivants et productifs.
  • La machine peut chercher à contrôler l'humanité... pour son bien. Dans le film Le Cerveau d'acier (1970), Joseph Sargent imagine, en pleine guerre froide, 2 supercalculateurs, l'un russe l'autre américain, prenant le contrôle de la planète pour le bien de l'humanité. On retrouve cette thématique dans I Robot (Alex Proyas, 2004) où VIKI, l'ordinateur central cherche à contrôler des humains trop immatures pour assumer leur destin seuls.
  • La machine s'autodéfend. CARL (en anglais HAL), le supercalculateur de 2001 Odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, 1968) élimine les membres de l'expédition vers Jupiter pour éviter sa propre désactivation.

 

Outre que ce thème puise au profond des peurs et angoisses humaines, une source d'inspiration est historique : durant la guerre froide le déclenchement d'une hypothétique riposte nucléaire relevait d'une série complexe d'actions à entreprendre, supervisées par des machines, et donc source inépuisable de phantasme. Mais ces questions de rapport entre homme et machine ne relèvent plus uniquement de la SF puisque que depuis 2007 (date de la rédaction d'une charte éthique des robots en Corée du Sud) des réflexion sont engagées quant au statut juridique des robots (pensons à la Google Car...).


 

2) Le cyberespace

 

Voici un titre d'un article du journal Le Monde (23 juillet 2018) : « Cyberespace : la guerre mondiale des données. Espionnage, propagande… Internet est devenu un facteur de reconfiguration des relations internationales. Dans cette nouvelle course au pouvoir, la Chine concurrence déjà les Etats-Unis. ». Dès les années 80 le courant cyberpunk avait décrit le cyberespace comme un terrain de lutte et un enjeu de pouvoir : aujourd'hui la cyberguerre fait (presque) regretter le bon vieux temps de la menace nucléaire.

Ce sont les années 80 - 90, décennies de l'essor de l'informatique personnelle et de l'Internet, qui ont donné les grandes représentations cinématographiques du cyberespace : Tron de Steven Lisberger date de 1982, Johnny Mnemonic (Robert longo) de 1995, Ghost in the Shell (Mamoru Oshii) de 1997, Matrix et ExistenZ (David Cronenberg) de 1999...

Les visions du cyberespace produites par la SF et son cinéma sont au croisement de plusieurs des thèmes traités dans cet article : le pouvoir est détenu par de grandes firmes multinationales, les souverainetés politiques classiques y sont quasiment absentes, les dissidents représentent des sous-cultures ou des contre-cultures souvent marginales...

 

B- Et la démocratie dans tout ça ?

 

On l'a vu, le cinéma de SF privilégie la dystopie quand il aborde le thème du pouvoir. Mais n'y aurait-il pas un peu d'utopie qui traînerait çà et là ?

 

Le collectif activiste ANONYMOUS.

Les années 60 ont été marquées par des élans utopiques (souvent aidés par la prise de substances ;-) qui, selon moi, ont été incarnés par les « trois jours de musique et de paix » à Woodstock du 15 au 18 août 1969. Le plus bel exemple est Star Trek. La série télévisée est lancée en 1966 (Gene Roddenbery) et se place immédiatement dans un univers pacifiste et optimiste (" Espace, frontière de l'infini, vers laquelle voyage notre vaisseau spatial l'Enterprise. Sa mission de cinq ans: explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d'autres civilisations et au mépris du danger, avancer vers l'inconnu."). Les 10 films de la série (1979 à 2002) et les 3 reboots de JJ Abrahms (2009-2016) resteront ancrés dans cette veine. En effet, si l'importance sociétale et culturelle de la série n'est plus à démontrer elle propose une organisation politique de type onusienne, à l'opposée des visions totalitaires souvent privilégiées. La Fédération des planètes unies (FPU) est une république fédérale interplanétaire dont les membres (ayant signé une Charte) sont unis par le partage de valeurs communs (justice, liberté, égalité, coopération) et le partage équitable des ressources et des connaissances. La Fédération peut être définie comme une société socialiste utopique.

 

A part l'univers Star Trek il y a peu, ou pas du tout, de films projetant une vision politique positive. La littérature de SF a réinvesti l'utopie politique (pensons à la Trilogie Martienne de Kim Stanley Robinson entre 1992 et 1996 ; ou encore à l'écrivain français Alain Damasio pour qui les ZAD pourraient inspirer les auteurs de SF) mais pas encore le cinéma.

 

 

 

Conclusion générale

 

Alors, en SF, le totalitarisme (sous toutes ses formes) unique avenir de l'humanité ? Cette vision dystopique du pouvoir dans les temps futurs, qui domine depuis les années 80 et s'est renforcée après 2008 est moins le reflet du monde tel qu’il est que celui de la perception qu'on en a, au prisme de nos inquiétudes présentes et à venir. Et ce d'autant que l'utopie a souvent été marquée négativement par sa naïveté (la fascination pour la technologie par exemple) ou par son instrumentalisation par les régimes autoritaires ou les penseurs libéraux.

L'émergence d'une vision plus utopique du pouvoir futur est donc entravée et c'est dommage car cela nous prive d'un imaginaire alternatif. On pourrait toujours chercher des lueurs d'espoir dans les résolutions des récits dystopiques au cinéma (le héros gagne à la fin)... mais la plupart du temps ladite résolution est le fait d'un individu agissant selon des arguments moraux, sans que ne se dessine un véritable projet politique.

Alors, à quand le grand film qui imaginerait une société sans économie de marché, sans castes cloisonnées, où il ferait bon vivre ? Quel utopiste celui-là !!!
 

STAR TREK : le générique de la série originale

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

 

 

BIBLIOGRAPHIE (ouvrages - articles)

 

CLAEYS, Gregory (professeur à l’université de Londres et auteur, analyse la popularité du genre dystopique, d’Aldous Huxley à Michel Houellebecq). Interview par Nicolas BOURCIER, Le Monde, septembre 2017. VOIR.

 

DESCHAMP, Alexandre. Les représentations politiques dans la SF, d'Asimov à Doctor Who. 2016. VOIR.

 

FERRIEU, Sylvain. Pouvoir politique et science-fiction. Mémoire de III° cycle. 2001. VOIR.


FREITAG, Michel. Totalitarismes : de la terreur au meilleur des mondes. Revue du MAUSS, vol. 1, no 25, 2005, p. 145-146.


GYGER, Patrick et HAVER, Gianni (dir). De beaux lendemains ? Histoire, société et politique dans la science-fiction. Collection Antipodes, 2002.


JAMESON, Frederic. Archéologies du futur. Tome 1, Le désir nommé utopie et Tome 2, Penser avec la science-fiction. Editions Max Millo. 2007-2008,

 

LACROIX, Isabelle et PREMONT, Karine (dir). D'Asimov à Star Wars. Représentations politiques dans la science-fiction. PUQ. 2016.

 

RUMPALA, Yannick. Ce que la science-fiction pourrait apporter à la pensée politique. Raisons politiques, 2010/4, n° 40. VOIR.

 

SANTESSO, Aaron. Fascisme et SF. VOIR.

 

 

A propos du Meilleur des mondes

 

Une analyse sur le blog PhiLitt. VOIR.

 

ESLAHPAZI, Joubine. Une fiche de lecture. VOIR.


Sur le Blog Buz-Littéraire. VOIR.

 


A propos de 1984

 

Une critique sur le blog Cinemachoc. VOIR.

 

FOUCARD, Stéphane. Relire « 1984 » à l’ère de la post-vérité. Le Monde, 20 juillet 2017. VOIR.

 

Une critique sur ce blog. VOIR.

 

ESLAHPAZI, Joubine. Une fiche de lecture. VOIR.

 


A propos de Star Wars

 

ATALLAH, Marc (dir). Je suis ton père. Origines et héritages d’une saga intergalactique. Paris : Huginn & Munnin (Fantask), 2017.

 

DESCHAMP, Alexandre. Les représentations politiques dans Star Wars : le régime politique, de la démocratie à la tyrannie. 2016. VOIR.

 

FRANCK, Alexis. Essai sur un système juridique d’il y a longtemps, dans une galaxie très lointaine. Sur le blog Droit administratif. VOIR.

 

LUCAS, Georges. Interview sur Star Wars. In Histoire de la science-fiction de James CAMERON. Mana Books. 2019.

 

RUMPALA, Yannick. Comment Star Wars permet de penser la politique à l’échelle galactique. Décembre 2015. VOIR.

 

SNEGAROFF, Thomas. Star Wars – Le Côte Obscur de l’Amérique, Paris, Armand Colin. 2017.


Une vidéo du Blog d'Holonet07. La politique dans Star Wars (2018). VOIR.

 

 

A propos d'Hunger Games


Sur le site Lecinemaestpolitique. Une analyse d'Hunger Games. VOIR.


GERARD, Mathilde. Hunger Games : l'apocalypse pop servie par le marketing. Le Monde, mars 2012. VOIR.

 

BIEVRE-PERRIN, Fabien. Hunger games – Panem et circenses (du pain et des jeux). Sur Antiquipop. VOIR.


Relecture-Philo : Hunger Games. Sur Zérodeconduite. VOIR.

 

MULLER, Engénie. L’intérêt pédagogique de la trilogie Hunger Games. VOIR.

 


En vrac sur le Web

 

Sur Sfstory. Un article sur La vie future. VOIR.


RUARD, Mathieu. A propos des Femmes de Stepford. VOIR.


Une analyse du film Les femmes de Stepford sur le dernier des Blogs. VOIR.

 

GALAKOF, Alexandra. A propos de Fahrenheit 451 sur le Buzz-Littéraire. VOIR.

 

MEGHRAOUA, Lila. Faut-il revoir Brazil ? https://usbeketrica.com/article/faut-il-re-voir-brazil-de-terry-gilliam


ROLLAND, Gilles. A propos de Running Man. VOIR.

 

Article du Monde. De quoi V for Vendetta est-il le masque ? VOIR.

 

ActuSf. Pour se tenir au courant de l'actualité de la science-fiction. VOIR.

 

DESBOIS, Henri. Le cyberespace, retour sur un imaginaire géographique. Revue Carnets de géographie. 2011. VOIR.

 

MICHAUD, Thomas. La dimension imaginaire de l'innovation : l'influence de la science-fiction sur la construction du cyberespace. Revue Innovations 2014/2 (n° 44). VOIR.

 

MUSSO, Pierre. Le cyberespace, figure de l'utopie technologique réticulaire. Sociologie et sociétés. 2000. VOIR.


CORCOS, Léo. Retour su la saga Star Trek. VOIR.

 

FITTING, Peter. Utopies/Dystopie/Science-fiction : l’interaction de la fiction et du réel. In Alliage, n°60, Juin 2007, Que prouve la science-fiction ? VOIR.

 

GOUJON, Valentine. Utopie, dystopie et science-fiction : Quand le futur devient politique. VOIR.

 

Sur le blog Charybde2, une analyse de la Trilogie Martienne. VOIR.