(1) R. U. R. (Rossum's Universal Robots). Des ouvriers humanoïdes se révoltent contre l'ordre social injuste et orppressif mis en place par les humains qui les ont fabriqués ; ils obtiennent gain de cause mais détruisent in fine cette humanité qui leur avait donné naissance. C'est la 1ère mention des robots dans la création artistique).

(2) A contrario le réalisateur avait volontairement éloigné tout pathos dans sa mise en scène des humains avec des dialogues aseptisés et une distanciation soigneusement calculée (voire même froide et impersonelle) lors de la mort des autres astronautes

 

(3) Aux 3 lois fondatrices a été ajouté plus tard une loi zéro : « Un robot ne peut pas porter atteinte à l'humanité, ni, par son inaction, permettre que l'humanité soit exposée au danger »... C'est cette loi qui fournit le ressort principal de nombre de films mettant en scène des robots s'attaquant à l'humanité... comme dans I, Robot où l'ordinateur central, VIKI, pour sauver l'humanité d'elle même, veut mettre en place une dictature « bienveillante ».

 

(4) Dans la scène de la voiture qui coule un robot du même type choisit de sauver Del Spooner au lieu d'une petite fille parce qu’il a 44% de chance de survie contre 11% pour celle-ci.

(5) Dans Star Wars la question de l'humanité de R2D2 et C3PO ne se pose pas ; ils sont en fait des acteurs à part entière du film.

 

(6) On distingue l'identification primaire (le spectateur accepte que la caméra soit son œil) et secondaire qui correspond aux affects ou à l’empathie que l’on peut ressentir envers tel ou tel personnage (en savoir plus).

 

(7) Il en existe déjà des prototypes comme Nao de la société française Aldebaran ; Asimo de Honda Motors ou encore le robot du Professeur japonais Ishiguro, qui lui ressemble trait pour trait.

 

(8) Pour en savoir plus voir l'article de la Wikipedia et cette courte animation de Tv5 monde.

(9) On lira (ou écoutera) en particulier les analyses de Daniel ICHBIAH... Voir la bibliographie en fin d'article)

 

(10) Le roboticien Gianmarco Veruggio invente le terme de roboéthique en 2002 ; en savoir plus.

(11) Le film s'inscrit dans le contexte d'un nouvel Hollywood contestataire des années 70 ; il remet en cause autant les clichés véhiculés par le western classique, que le système capitaliste puisque le parc, devenu dangereux, reste ouvert pour satisfaire les actionnaires.

 

Lorsque la SF aborde le thème de l'Autre elle traite, en fait, de l'homme lui-même : les spécificités de l'espèce humaine, les questions de communication et d'incommunication, les rapports au divin, etc. Les descriptions de l'Autre dressent, de fait, en négatif, un portrait de l'homme dans ses rapports à l'étranger. Bien avant la naissance proprement dite de la SF et son âge classique les récits mythologiques et littéraires avaient abordé le sujet : Prométhée le voleur de feu chez Esiode ou Eschyle ; Micromégas, le géant Sirien de Voltaire (1752)  ; l'andreide (sic!) de L'Eve future de Villiers de L'Isle-Adam (1886) ; le Golem de l'écrivain Gustav Meyrink en (1915) ; etc.

 

L'Autre dans la science-fiction c'est d'abord l'extraterrestre, ce grand révélateur de nous même, de nos craintes, de nos peurs, de nos espoirs aussi. Au cinéma cela débute par les Sélénites de Georges Mélies (Le voyage dans la Lune, 1904), les premiers d'une longue série d'extraterrestres mythiques... L'Autre peut aussi être le produit de l'évolution (du moins une évolution fantasmée), soit des formes de vie terrestres soit de l'homme lui-même, devenant plus qu'humain (Les plus qu'humains très beau roman de Théodore Sturgeon, 1953), le plus souvent par la science ou par accident. L'Autre enfin c'est la Machine qui place l'homme devant sa création et pose les questions de la relation au divin et de la définition et des limites de l'humanité.

Dans tous les cas aborder l'Autre permet d'interroger l'homme et les société dans leurs réactions devant la différence : ouverture et tolérance ou fermeture, hostilité et crainte ? Au fond, l’Autre est-il une menace ou un apport ?

Devant l'ampleur de la tâche et l'abondance des sources et des références nous traiterons ce sujet en 4 articles successifs :

  • 1ère article sur les Extraterrestres
  • 2ème article sur les IA, machines et robots
  • 3° article sur les évolutions de l'homme : homme augmenté, post-humanisme, transhumanisme, mutants...

  • 4° article sur la figure du monstre en SF

 

 

 

Le CINEMA DE SCIENCE-FICTION et l'AUTRE (2/4)

 

IA – MACHINES – ROBOTS

 

« Quelle expérience de vivre dans la peur, n'est-ce pas ? Voilà ce que c'est d'être un esclave. »

Roy Batty, Blade Runner

 

 

Quand apparaissent les robots ? Dans la mythologie grecque le géant de bronze Talos, gardien de la Crête, serait le 1er robot de l'histoire (en voir la magnifique animation par Ray Harryhausen dans Jason et les Argonautes de Don Chaffey en 1963) ; dans le même ordre d'idée le Golem de la tradition juive pourrait être la 1ère créature animée. Au cinéma ce serait le robot qu'affronte l’enquêteur Quentin Locke (Harry Houdini) dans The Master Mystery (Harry Grossman et Burton L. King, 1920) ou encore les 2 robots du film L'uomo meccanico (André Deed, 1921). Sinon le terme vient du tchèque « robota » (littéralement « labeur pénible »), inventé en 1920 par Karel Capek pour les besoins de la pièce de théâtre « R.U.R. »(1)

Depuis, la figure du robot, de l'intelligence artificielle et, plus généralement de la Machine, est devenue un passage obligé dans la représentation du futur et donc un thème majeur de la SF et de la représentation de l'Autre. Utilisé souvent pour dénoncer les dérives du monde moderne, le thème de la machine permet d'aborder 3 problématiques intéressantes, qui formeront les 3 parties de cet article :

  • celle de la définition et des limites de l'humanité ;
  • celle de la création et par là même, de la relation au divin ;
  • celle de la relation maître / esclave, cher à Hegel, et donc des jeux de pouvoir-s ;

 

Lexique

 

  • Robot : appareil mécanique, électronique et informatique conçu pour accomplir certaines tâches.
  • Ordinateur : système de traitement automatique et programmé de l'information.
  • IA : ensemble de processus informatiques destinés à accomplir des tâches complexes pour le moment réservées aux humains.
  • Cyborg : être vivant (le plus souvent humain) ayant reçu des apports mécaniques et/ou électroniques (CYbernétik ORGanism).
  • Androïde : robot à forme humaine.
  • Clone : organisme qui a été reproduit à l'identique à partir d'un sujet initial.

 

Avertissement

On ne traitera pas ou peu du thème de l'homme transformé (post-humanisme, transhumanisme, cyborg, clonage...) que l'on réserve à l'article suivant...

 

 

 

 

I- HUMANITE-S : MACHINES ET NATURE HUMAINE

 

La science-fiction, à travers le thème de la machine, interroge ce qui fait la spécificité de l'humanité. En représentant des robots et autres machines se rapprochant de plus en plus des humains et agissant comme tel, les récits de SF posent une question de frontière et par là même, une interrogation sur la nature de l'humanité, plus particulièrement au travers de 3 problématiques : la naissance, la reproduction, la mort.

 

A- Etude de cas : les machines face à leur "mort"

 

L'arrêt du fonctionnement d'une machine n'est rien d'autre que le bon vieux "on/off"... sauf quand, dans les films de Sf, cet arrêt est mis en scène comme une véritable mort.

 

1) 3 films, 3 machines face à la mort

Battlestar Galactica, un Cylon centurion.

Un drone Predator

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE (ouvrages - articles)

 

ANDREVON, Jean-Pierre. 100 ans de cinéma fantastique et de SF. NED 2013.

 

CAMERON, James. Histoire de la science-fiction. Mana Book. 2019.

 

CHOUTEAU, Marianne et VIEVARD, Ludovic. Représentation des robots : imaginaire et éthique. FRV1000. Février 2011. VOIR.

 

DUFOUR, Eric. Le cinéma de science-fiction. Armand Colin, 2011.

 

GENEFORT, Laurent. Les machines qui pensent. Revue Bisfrost n°16. Sur le Blog des éditions Le Belial. VOIR.

 

ICHBIAH, Daniel. Robots, genèse d'un peuple artificiel. NED, 2012.

 

JAULIN, Pierre. Psychopathologie, robots et systèmes d’intelligence artificielle dans les œuvres de science-fiction. Sur le site Edimark. VOIR.

 

SARRE, Olivier. Le droit des robots. In Implications philosophiques. VOIR.

 

 

Sur le Web

 

Musée des arts et métiers, exposition Et l'homme créa le robot (octobre 2012 - mars 2013). Lire la présentation de l'exposition, Robots entre science et fiction. VOIR.

 

Sur le site SF Panorama de Romain DABECK, l'article Robots. VOIR.

 

Sur Daily Geek Show, Comment les robots de science-fiction nous réapprennent notre humanité. VOIR.

 

Sur le blog Le cafard cosmique, une synthèse sur les pulps. VOIR.

 

Sur Thôt Cursus un article de 2012, Les robots, la fiction avant la science. VOIR.


Sur le blog Notre cinéma, l'article robots. VOIR.

 

Sur le blog du Cinéclub de Caen, l'article Les IA au cinéma. VOIR.

 

Sur le blog Nanarland, l'entrée Robot, cyborgs et androïdes. VOIR.

 

SLAMA, Serge. Les robots-androïdes, de quels droits fondamentaux ? Sur le site de la revue des droits et libertés fondamentaux. VOIR.

 

Sur le blog, La Science-Fiction Encyclopédie (SFE), l'article robot. VOIR.

 

Une infographie : evolution of robots in film. VOIR.

 

Sur Slate.fr un article (2016), La vérité sur les robots destructeurs d'emplois par Moisés Naím (traduit par Micha Cziffra). VOIR.

 

Taxi autonomes, pas près de rouler en ville. Article de Guillaume RENOUAR pour La Tribune (2019). VOIR.

 

Sur le blog de l'Express :

  • un article du 12/01/ 2017, Les aliens ne ressembleront pas à de petits hommes verts, mais "à des machines". VOIR.
  • un article de Victor Garcia du 30/07/2015, Robots-tueurs : ces oeuvres de science-fiction que les militaires devraient lire. VOIR.

Le résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique. VOIR.

 

Le rapport Villani sur l'IA. Site du Monde : VOIR.

 

BAILLARGEON, Stéphane. Les robots de notre imaginaire, pour le meilleur et pour le pire. In Le Devoir, 2019. VOIR.

 

BOURDAIS, Sophie. Les robots et nous (1/2 et 2/2 - mars 2013). Dans Télérama. VOIR 1 - 2.

 

GANASCIA, Jean-Michel. Sciences et Golems. AFIS, revue SPS n° 290, avril 2010. VOIR.


ICHBIAH, Daniel. Le mythe du robot qui menace l'homme. Sur Agoravox (12 mars 2010). VOIR.

 

MELLIER, Denis. D’une manière l’autre de faire des mondes : science-fiction et savoirs de la fiction. Res Futurae, 30 avril 2013. VOIR.

 

MENIA, François et DELCROIX, Olivier. Interstellar : l'évolution des robots de l'espace au cinéma. Le Figaro, 6 novembre 2014. VOIR.

 

 

PENSO, Gilles. L'encyclopédie du cinéma fantastique, article robot. VOIR.

 

RIO-JEANNE, Virginie. Intelligence artificielle : quelle place aura demain l’être humain ? The Harvard Business Review, 2017. VOIR.

 

 

Sur la WIKIPEDIA :

  • La liste des Robots et Androïds : VOIR.
  • La liste des IA : VOIR.
  • La liste des Ordinateurs : VOIR.
  • La liste des Cyborgs : VOIR.

 

 

Ecouter / voir

 

GONON, Vincent - SAYANOFF, Xavier. Robolution (documentaire sur la révolution robotique). Empreinte Digitale pour Ciné+ Frisson, 2014. VOIR la BA.

 

ICHBIAH, Daniel. Conférence donnée le 22 décembre 2012 au Futuroscope à l'occasion du lancement de l'attraction 'Danse avec les robots'. VOIR.

 

TABET, Johanna. Le robot de cinéma. Documentaire de 52 mn. French Connection Films. 2015. La BA.


OBERSON, Xavier. Conférence à l'Université de Genève en février 2017 sur les questions qui se posent à propos des robots. VOIR.

 

Robots et humanoïdes dans la SF. Conférence lors des Utopiales de Nantes 2012 (avec Rodolphe GELIN, Laurent GENEFORT, Christophe LAMBERT, Thomas DAY). VOIR.

 

VAS-DEYRES, Natacha. Les robots dans la science-fiction littéraire et cinématographique. Site de l'IFCAM. VOIR.

 

France Culture, émission Plan Large (Antoine GUILLOT) : Une petite histoire des robots au cinéma. ECOUTER.

 

France Culture, émission Ce qui nous arrive sur la toile (Xavier De La Porte), La morale des robots. ECOUTER.

 

 

Les lois d'Isaac Asimov

  • Stéphane LE CALME, Les trois lois de la robotique d'Isaac Asimov, des principes dépassés par la direction prise dans le développement des IA ? In Développez.com, octobre 2019. VOIR.
  • Asimov évoque ses 3 lois de la robotique (Youtube). VOIR.
  • Un dossier de Futura Tech de Jean-Claude HEUDIN. VOIR.

 

 

Mythes et pensées autour de la machine

 

  • Qu'est-ce que le syndrome de Frankenstein ? Sur le blog Nos pensées. VOIR.
  • La dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel. Sur le blog La-Philo. VOIR.

 

 

A propos d'I, Robot

 

  • L'article de la Wikipedia : VOIR.
  • Un travail en classe de BTS par Laurent Garbin : VOIR.

 

 

A propos de 2001, l'odyssée de l'espace

 

  • Sur DVDClassik, une analyse par Erik Maurel : VOIR.
  • Une analyse en vidéo (15 minutes) : VOIR.
  • De "2001, l’Odyssée de l’espace" au "Foetus astral"  : dans l'émission Les nuits de France Culture, 25 mai 2018 : ECOUTER.

 

 

A propos de Blade Runner

 

  • L'article Réplicants sur la Wikipedia. VOIR.
  • Sur DVDClassik, une analyse par Olivier Bitoun : VOIR.
  • La fiche Lycéens au cinéma : VOIR.

 

 

A propos de Skynet

 

  • Dans la Wikipedia sur Terminator. VOIR.
  • Le programme de la NSA sur la Wikipedia. VOIR.

 

 

A propos de quelques films cités dans cet article

  • L'homme bicentenaire, Chris Colombus, 1999 : sur la Wikipedia.
  • The Master Mystery, Harry Houdini, 1909 : sur WikiWand.
  • Planète hurlante, Christian Duguay, 1995 : sur la Wikipedia.
  • Ex machina, Alex Garland, 2015 : ZEITOURNE, Charline. Ava, le robot qui nous calculait trop. In Le journal du CNRS, VOIR.
  • Interstellar, Christopher Nolan, 2014 : un article de Miles Brundage (traduit par Anthyme Brancquart),  L’anti-HAL: pourquoi le robot d’Interstellar représente l’avenir de l’intelligence artificielle. Sur Slate. VOIR.

  • Métropolis, Fritz Lang, 1927. A propos du robot "Maria", un dossier de la Cinémathèque. VOIR.

  • Pacific Rim, Guillermo Del Toro, 2013 : une critique par Nicolas ZUGASKI sur le Blog L'Ouvreuse. VOIR.

  • Chappie, Neil Blomkamp, 2015 : une critique sur le blog A la rencontre du 7° art. VOIR.

  • Mondwest, Michael Crichton, 1973 : une analyse, Retour vers la matrice : le Westworld (Mondwest) de Michael Crichton par Gaïd Girard.

  • L'Huomo mecanico, André Deed, 1921 : une critique sur le blog Cinémafantastique.net : VOIR.

  • Robot and Franck, Jake Schreier, 2012 : une analyse sur Le Monde.fr par Auréliano TonetRobot and Frank : le robot est-il l'avenir de l'homme ? : VOIR.

 

 

 

Filmographies portant sur les robots, machines et IA

 

 

 

Dans 3 films de SF nous avons une situation où une machine se trouve confrontée à une situation évoquant véritablement une « mort » :

  • dans 2001 : l'Odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, 1968) HAL 9000 (Heuristically Programmed ALgorithmic Computer ), l'ordinateur intégré au vaisseau Discovery, en route pour Jupiter, est une intelligence artificielle, mise au point pour assurer le fonctionnement et la maintenance de l'astronef. En particulier elle assure le contrôle des systèmes de navigation et du système maintenant en hibernation les 3 savants embarqués. Elle assure ses tâches au coté de 2 pilotes humains, Bowman et Poole ;
  • dans Blade Runner (Ridley Scott, 1982, inspiré du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? écrit par Philip K. Dick en 1966) Roy Batty (Rurger Hauer) est un réplicant de dernière génération (Nexus 6), un androïde imitant l'humain à la perfection, considéré comme un esclave dans cette société humaine du futur, et dont la durée de vie a été limitée à 4 ans pour éviter qu'il ne s'humanise ;
  • dans I, Robot (Alex Proyas, 2004, librement adapté de l’œuvre d'Isaac Asimov Les Cavernes d'acier de 1954 et Les Robots de 1950, ainsi que de la nouvelle Le Robot qui rêvait de 1986), Sonny, un robot humanoïde est soupçonné du meurtre d'un humain ;

 

2) HAL 9000, le refus de la mort

 

HAL semble avoir commis une erreur en détectant une panne inexistante... or l'erreur n'est pas possible pour cette IA... donc HAL dysfonctionne. Tel est le raisonnement tenu par les pilotes Bowman (Keir Dullea) et Poole (Gary Lockwood) qui décident de déconnecter les fonctions supérieures de HAL. Celui-ci s'en rend compte ; il entreprend de décimer les humains, en interrompant le processus de cryogénisation des 3 savants embarqués et en provoquant un accident qui tue Poole. Dave Bowman entame alors le processus de déconnexion.

Le génie de Kubrick est de transformer cette déconnexion en une lente mise à mort. En effet si HAL n'est pas du tout humanoïde, tout concours à lui donner une certaine humanité, en particulier la voix (celle d'un acteur shakespearien et, pour la version française, celle du sociétaire de la Comédie française, François Chaumette) et l'omniprésence d'un cercle de verre rouge auquel les astronautes s’adressent quand ils dialoguent avec HAL et que nous, spectateurs, assimilons immédiatement à un œil.

Stanley Kubrick traite la séquence en opposant le geste technique de Bowman (qui retire les cartes électroniques une à une) à une humanisation pathétique de l'agonie de HAL qui supplie Bowman puis part dans une lente régression formelle (la voix qui s'affaiblit) et structurelle (il finit par chantonner une comptine enfantine, encouragé par Bowman qui cherche à le rassurer). Le résultat obtenu est stupéfiant de puissance émotionnelle(2).

3) Roy Batty, l'acceptation de la mort

 

Ridley Scott aborde la question de l'humanité des réplicants au travers de leur mort. En effet, Roy Batty (Rutger Hauer) et ses compagnons se considèrent comme des êtres pensants et vivants. Devant son concepteur Roy affirme « Nous ne sommes pas des robots, Sebastian, mais des êtres vivants » ou encore « Je pense, Sebastian, donc je suis » (allusion à René Descartes et son Cogito ergo Sum... cette référence à Descartes se retrouve aussi dans le nom du Blade Runner, Rick Deckard / Harrison Ford).

La limitation de sa « vie » à 4 ans est insupportable pour Roy qui cherche, dans un 1er temps, à repousser cette limite (toujours devant son concepteur, «  Je veux plus de vie, père ! »)... en vain. Il en vient alors à accepter sa mort (« il est temps de mourir ») après avoir sauvé le Blade Runner et prouvé ainsi son humanité (Ridley Scott introduit une colombe dans la scène « Des larmes dans la pluie »... l'envol de son âme ?).

La deconnexion de HAL par Bowman (2001 ,l'Odyssée de l'espace).

4) Sonny, la peur de la mort

 

I, Robot met en scène les lois de la robotiques(3) créées par Isaac Asimov pour son très riche Cycle des robots :

  1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger ;
  2. Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
  3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

Sonny est d'abord présenté comme un robot, certes humanoïde, mais avant tout une machine logique et statistique(4) puis un glissement se produit vers des comportements affectifs et moraux. Ainsi au moment où des nanites vont lui être injectées pour le mettre hors fonction il exprime une peur toute humaine : « Ca va faire mal ? ». Cette scène, comme beaucoup d'autres dans ce film, cherche à démontrer l'humanité de Sonny... mais cette peur de la mort, comme signe d'humanité, même Sonny la relativise : lorsque Del Sponner (Will Smith) lui dit « Je te croyais mort ? » Sonny lui répond « Techniquement, je n'ai jamais été vivant, mais je vous remercie de vous en soucier... ».

Des larmes dans la pluie (Blade Runner).

Conclusion

Ces 3 machines (une IA, un robot, un androïde) expriment toutes un sentiment très humain face à la fin de leur fonctionnement que le réalisateur nous fait ressentir comme une mort. De plus cette mort intervient dans une dualité avec un humain :

  • Del Spooner tisse peu à peu des liens affectifs avec Sonny (par le biais visuel du clin d'oeil par exemple) ;
  • Roy Batty épargne Rick Deckard (est-il humain d'ailleurs?) et prouve son humanité ;
  • Dave Bowman rassure HAL, comme il le ferait d'un ami... tout en le déconnectant ;

Nous verrons que cette dualité à l'écran est fondamentale dans la quête de l'humanité par les machines.

 


B- La quête de l'humanité

 

Dans L'homme bicentenaire (Chris Colombus, 1999, d'après une nouvelle d'Isaac Asimov) les caractères de ce qui fait d'Andrew (Robin Williams) un être humain à part entière sont exposés progressivement. Cela débute par le sens artistique lorsqu'Andrew sculpte dans du bois, de sa propre initiative, une statuette et lorsqu'il prend goût à la musique. Plus tard viendront les émotions avec en particulier l'humour et, surtout, le sentiment amoureux, puis la sexualité. Mais l'un des caractères, le plus important, est le vieillissement et la mort... à l'âge de 200 ans tout de même.

Le docteur Susan Calvin se prépare à injecter les nanites mortelles à Sonny.

Si aujourd'hui la question de l'humanité des robots est très abstraite, elle est un ressort classique de nombre de récits et films de SF. Alan Turing avait établi un test dans les années 50 que le film Ex-Machina (Alex Garland, 2015) met en scène de façon retors. Dans Blade Runner (1982), Ridley Scott va plus loin en proposant une fin alternative dans laquelle le chasseur Rick Deckard pourrait être lui même un réplicant, parti avec une autre réplicante (Rachel) : une vision très pessimiste de l'avenir de l'humanité !

 

En fait le thème des robots permet d'aborder la question de l'autonomie et de la liberté. En effet les robots et autres IA sont dîtes autonomes... mais en réalité elles sont hétéronomes, car elles obéissent à des objectifs qui leurs sont donnés et qui leurs sont extérieurs, au travers de programmes. La fiction, surtout au cinéma, se délecte de récit d'apprentissage de l'autonomie réelle qui va transformer la machine en un personnage à part entière, qu'il soit là pour attenter à l'humanité ou pour lui venir en aide.

 

Conclusion

On peut remarquer que lorsqu'un cinéaste veut montrer l'absence d'émotions chez un humain il va le "robotiser" : le plus célèbre cas me semble être celui de Drago, l'aversaire soviétique de Rocky dans le 4° opus de la saga (Silvester Stallone, 1985). L'absence d'émotions "vraies" (non programmées) est un élément clef de distinction homme / machine.

 

 

C) Une vision anthropocentrée et anthropomorphique

 

1) La machine anthropomorphe

 

Au cinéma la machine-robot est souvent anthropomorphe :

  • par la forme : depuis Maria (Brigitte Helm) dans Métropolis (Fritz Lang, 1927) jusq'au T-800 (Arnold Schwarzenegger) de Terminator (James Cameron, 1984) en passant par Gort (Lock Martin), le robot de Le jour où la Terre s'arréta (Robert Wise, 1951), les films de SF regorgent de machines-robots à l'apparence humaine ou du moins humanoïde ;
  • par le comportement : pensons à David (Haley Joel Osment), l'enfant-robot de A.I. Intelligence Artificelle (Steven Spielberg, 2001) et son amour infini pour sa mère humaine qui le poussera à prouver son humanité en, par exemple, ingurgitant de la nourriture jusqu'à bloquer sa mécanique interne ; de même dans le film d'animation Robots (Chris Wedge et Carlos Saldanha , 2005) la population de robots d'Ecrouville se comporte comme celle de n'importe quelle ville américaine actuelle ;

L'un des exemples les plus intéressant est Chappie (Sharlto Copley) le robot policier du film de Neil Blomkamp (2015). En effet Chappie est humanisé par sa forme bien sûr et par les sentiments que le réalisateur lui prête... mais cela va plus loin car, en lui implantant une conscience, son créateur, Déon (Dev Patel), le transforme en un jeune enfant qui doit tout apprendre et dont l'innocence contraste avec la violence du monde réel (l'action du film est, comme District 9 avant lui, située en Afrique du Sud).

L'homme bicentennaire, bande-annonce.

2) De Robby à Viki

 

On peut observer 3 tendances dans cet anthropomorphisme :

  • au début dominent les les robots dits "métal-rivets" comme Nono le petit robot d'Ulysse 31 (Jean Chalopin et Nina Wolmark) en 1981 ; Robby de Planète interdite (Fred M. Wilcox, 1956) et, certainement les 2 plus célèbres, C-3PO, le robot de protocole si empoté de Star Wars (Georges Lucas, 1977) directement inspiré du robot de Fritz Lang, et son comparse, certes moins humanoïde mais tout aussi « humain » (pensons à ses sifflements pour communiquer) R2-D2(5) ;
  • les robots humanisés tel Ash dans Alien le huitième passager (Ridley Scott, 1979) ou encore le cow-boy-robot (Yul Brynner, le Gunsliger) dans Mondwest (Michaël Crichton, 1973) ; domine dans cette représentation la figure du cyborg, très pratique pour brouiller les pistes de la distinction homme/machine... d'ailleurs James Cameron fera du T-800 une figure protectrice paternel pour le jeune Connor dans le 2nd volet de la série (Terminator II, le jugement dernier, 1991) ;
  • enfin les machines dont l'humanité n'est pas dans la forme mais dans les comportements qu'on leur prête : ainsi VIKI (Virtual Interactive Kinetic Intelligence), l'ordinateur central d'US-Robotics (I, Robot, Alex Proyas, 2004 ) se voit affublée d'une voix et d'un hologramme féminin

 

 

3) La fascination

 

L’American Film Institute a dressé en 2003 un classement des 100 plus grands héros et méchants du cinéma américain. Chez les méchants HAL-9000 arrive en 13e position et le Terminator T-800 en 22e position... mais, une fois reprogrammé par la résistance humaine il apparaît en 48° position chez les "gentils". A travers cette anecdote on peut se demander pourquoi les machines et robots anthropomorphes nous fascinent-ils autant ?

En 1er lieu c'est pour créer une interaction dynamique avec des machines destinées à nous assister voire nous seconder. C'est également pour établir, de façon narcissique et, peut-être, perverse, un lien de servitude du dominant (l'homme, le créateur) au dominé (la machine, le serviteur). Enfin la machine humanoïde permet le processus cinématographique d'identification(6).

Mais des machines à apparence humaine(7) peuvent déranger le spectateur : le roboticien japonais Masahiro parle du principe de la vallée dérangeante... ce trouble étant également un facteur (pervers) de fascination.

Chappie, Neil Blomkamp, 2015 : la bande-annonce.

Conclusion

La machine en quête d'humanité c'est aussi une autre histoire, à laquelle on pense assez peu : la machine envoyée par l'humanité qui rencontrera la machine envoyée par l'extrahumanité ! En effet il est fort probable que, si 1er contact il y a, celui-ci se fasse au travers de machines réciproquemet envoyées en exploration spatiale !

 

 

 

 

II- CREATURES et CREATEURS


 

Dans La Réponse (nouvelle de 1954) Frédric Brown faisait dire à un super-ordinateur, nouvellement conçu et mis en service, alors qu'il était interrogé sur l'existence de Dieu, “ Oui, MAINTENANT il y a un Dieu ”, avant de foudroyer son interlocuteur et de sceller à jamais le bouton on/off. Ainsi, au cœur de la question de la relation homme/machine on trouve le concept de création qui renvoie, bien sûr, au divin.

 

A) Etude de cas : les lois de la robotique au cinéma

 

 

1) Les lois de la robotique

La vallée dérangeante (The Uncanny Valley) : le professeur Ishiguro et son 'double' robotique.

Isaac Asimov propose en 1942 dans la nouvelle Cercle vicieux les 3 lois de la robotiques :

  1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger.

  2. Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi.

  3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

Ces 3 lois originelles seront enrichies d'une loi zéro afin d'inclure l'humain en terme d'espèce et pas seulement d'individu : « Un robot ne peut nuire à l'humanité ni laisser sans assistance l'humanité en danger ».

 

 

2) Pourquoi ces lois ?

 

Asimov croyait fermement dans les vertus du progrès scientifiques et il était lassé de ces récits de robots se retournant systématiquement contre les humains (le complexe de Frankenstein, voir plus loin) : les lois créaient donc un cadre (un code en fait) moral et déontologique pour les robots mais aussi pour leur créateurs et plus généralement pour les scientifiques.

Conscient des limites de ces lois Asimov n'eut de cesse d'en explorer les failles et les faiblesses dans le reste de son oeuvre (lire le cycle des robots, une série de 6 romans et/ou recueil de nouvelles).

 

 

3) Le cinéma s'empare de ces lois

 

Dès les années 50 des robots altruistes et protecteurs de l'humanité vont apparaître, dont les plus célèbre sont Tobor « Le Grand » du film Le maître du monde (Lee Sholem, 1954) et Robby de Planète interdite (Fred McLeod Wilcox, 1956). Ce courant s'est poursuivit jusqu'à, par exemple, Interstellar (Christopher Nolan, 2014) dans lequel Tars un robot non-humanoïde, apparaît comme bienveillant, doté d'un sens de l’humour paramétrable, mais surtout totalement dévoué à l'homme jusqu'à se sacrifier pour garantir l’avenir de l’humanité. De même dans Her (Spike Jonze, 2013) on trouve une une exploitation particulière poussée des lois de la robotique puisque les IA du film aiment véritablement les humains !

 

Mais ce qui intéressa surtout les réalisateurs et scénaristes fut d'explorer les failles et les violations desdites lois et plus particulièrement la loi zéro pour mettre en scène essentiellement des révoltes de robots... ce qui n'était pas du goût d'Asimov d'ailleurs. Cela donna naissance à quelques figures célèbres d'IA en révolte contre l'homme : VIKI (Virtual Interactive Kinetic Intelligence) dans I, Robot (Alex Proyas, 2004), HAL-9000 dans 2001 : l'odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, 1968), Skynet dans Terminator (James Cameron, 1984), la Matrice dans la trilogie Matrix (Lena et Lilly Wachowski, 1999 - 2003), Ultron dans Avengers : l'ère d'Ultron (Joss Whedom, 2015), etc.

 

Conclusion

Le cas d'Asimov dans lequel la création fictionnelle rejoint de façon si étonnante la science est quasiment unique (peut-être Arthur C. Clarke ?) et je vous invite à lire (relire) tout ou partie du cycle des robots...

 

 

B) L'homme et la machine : les mythes fondateurs


En littérature comme au cinéma lorsque robots et autres machines sont mis en scène cela permet de réactualiser quelques mythes célèbres sur l'homme... dans une vision très occidentale.

 

1) La création : quelques mythes fondateurs

 

Le démiurge

Dans la mythologie grecque, Prométhée, dieu de la race des Titans, est le véritable créateur de l’homme(8). Les auteurs de SF s'en sont emparés pour mettre en scène la toute puissance créatrice de la science et, à travers elle, la volonté démiurgique de l'homme face à la machine. Les grecs définissaient cet orgueil créateur par la notion d'Hybris qu'ils accompagnaient le plus souvent par une autre notion, celle de la Némésis, la colère des dieux dont le châtiment attend l'homme ayant créé les robots pour en faire ses esclaves. En s'emparant de ces 2 mythes en 1818 Mary Shelley est à l'origine d'un autre principe fondateur des récits de machines et de robots : le complexe (ou syndrome) de Frankenstein, c'est à dire le fait que la créature se retourne contre son créateur dans le roman la créature dit à Victor : « Vous êtes mon créateur, mais je suis votre maître »). De nombreux films revisitent le mythe de Frankenstein : cela donne des situations que nous développerons dans la 3° partie.

 

Pygmalion

Si la confrontation est le ressort principal des films mettant en scène le couple homme/machine on a également le cas où le créateur s'éprend de sa création (le mythe de Pygmalion) comme dans Her de Spike Jonz (2013) ou bien l'inverse, la créature s'éprend de son créateur, à l'image de David, l'enfant robot du film de Steven Spielberg, A.I. Intelligence Artificielle (2001), dont l'amour pour ses parents d'adoption n'est pas payé de retour.

 

La dialectique du maître et de l'esclave

La relation homme/machine en SF s'inscrit également dans la dialectique hégelienne (voir La phénomenologie de l'esprit) dans laquelle la conscience de l'esclave (ici la machine) se construit dans la confrontation avec le maître (ici l'homme) à fins d'émancipation.

 

 

2) Au final, une vision très occidentale ?

 

Cette perception de la relation homme/machine ancrée dans la confrontation est très occidentale. En effet au Japon domine plutôt l'idée de robots vivant avec l'humanité. Ainsi le 1er robot célèbre au Japon est Astro le petit robot d'Osamu Tezuka qui donnera le premier 'anime' dans les années 60. Suivront une génération de mechas, ces robots géants menés par de courageux pilotes dans la défense de la Terre (comme Goldorak par exemple). Cette conception très 'robophile' s'explique par :

  • l'absence de religion déiste et une conception moins dualiste du monde. Le shintoïsme accorde une âme à toute chose, y compris une machine ;
  • le souci d'exorciser la défaite de 1945 attribuée à la puissance de la technologie occidentale ;
  • le souci de compenser la faiblesse démographique liée au vieillissement accéléré de la population qui donne à la machine un statu différent, plus auxiliaire et compagnon, que rival et menace ;

 

Conclusion

 

Les robots et IA prolongent la volonté de l'homme à vouloir dominer le réel en permettant de démultiplier ses capacités cognitives et physiques.

 

 

 

C) Une réalité très éloignée de la SF ?

 

 

1) Une perception qui doit plus à la fiction qu'à la réalité

 

Notre perception des robots et des machines dîtes intelligentes doit beaucoup plus à la littérature et au cinéma qu'à la science car il existe un énorme décalage entre la robotique actuelle et ce que les films de SF en disent(9). Certes ce décalage existe également sur d'autres thématiques de Sf telles que le voyage dans le temps ou dans l'espace intersidéral, la colonisation spatiale ou encore la terraformation... mais le thème des machines est certainement celui qui s'ancre le plus en profondeur dans la réalité présente, celui qui fait le plus facilement dire « le futur est déjà en place aujourd'hui ! ». En fait on en est très très loin, ainsi, même si les robots humanoïdes d'Ishiguro, Honda ou Aldebaran existent ils ne sont qu'épiphénomènes au regard de l'univers de la robotique contemporaine dans lequel la forme des robots est dictée par leur fonction.

Prenons l'exemple de la Google Car annoncée avec humour dans Total Recall (Paul Verhoeven, 1990) avec la mythique scène du taxi Johnny Cab : en fait les véhicules autonomes allient fascination futuriste, gain/profit capitaliste... et réalité plus triviale d'une mise au point extrèmement difficile et problématique.

Asimov expose les 3 lois.

2) Robots et société

 

La place de la machine au sein des sociétés humaines est objet de réflexion et de prospectives (par exemple le rapport sur l'IA produit par Cédric Villani en 2018). On parle même de Robolution (néologisme facile à comprendre et présenter avec enthousiasme par Bruno Bonell dans Viva la Robolution en 2010).

La SF et son cinéma s'en font l'écho... mais force est de constater qu'il s'agit d'un écho très faussé dans lequel les aspects les plus triviaux ont été désertés au profit des grandes questions philosophiques : ainsi lorsque les machines prennent le pouvoir, il faut le lire comme une réflexion (dystopique bien sûr) sur la place desdites machines dans nos sociétés.

Prenons l'exemple de la la robotisation du travail qui se traduit bien souvent par l'antienne classique de la machines qui remplace l’homme pour le libérer des tâches productives (et lui permettre de ses consacrer aux loisirs ou aux tâches nobles). On le retrouve dans nombre de films comme Brazil (Terry Gilliam, 1985) ou I, Robot (Alex Proyas, 2004). Mais cette représentation est très simpliste et sans profondeur : d'immenses usines robotisées et vide d'humains (Star Wars, l'attaque des clones - xxxx, xxxx), des firmes ultra-capitalistes ayant un monopole totale (US Robotics dans I, Robot, etc. Les interrogations contemporaines autour l'impact de la robotique sur la production, le travail, le chômage, la fiscalité (l'idée d'une taxe-robot) sont invisibles ou traitées rapidement et grossièrement.

Johnny Cab et Arnold dans Total Recall (Paul Verhoeven, 1990).

3) La roboéthique

 

Le cas de la roboéthique(10) est intéressant et symbolique. En effet, alors que les lois de la robotique d'Asimov (abondamment utilisées comme ressort scénaristique) encadraient le comportement des robots face aux humains on constate que les films de SF donnent assez peu à voir du cadre éthique dans lequel la conception et l'utilisation des robots (et plus généralement des machines « intelligentes ») doit se faire. Pourtant c'est un sujet de réflexion dont s'est emparé, en 2007, la Corée du Sud qui a rédigé une « Charte éthique des robots » ainsi que le Parlement européen qui a adopté, en 2017, une Résolution contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique.

 


Conclusion

 

En donnant des droits aux robots l'homme est toujours dans une démarche de démiurge (un dieu qui donne à sa création) mais cela permet également de rassurer les gens sur la puissance de la science moderne et sa capacité à s'autogérer...

 

 

 

III- Jeux de pouvoir-s

 

On l'a déjà perçu dans les parties précédentes, le cinéma de SF se régale de l'affrontement homme / machine. Cette confrontation traduit, au pire, la crainte profonde du remplacement de l'homme par la machine et, au mieux, la relation de pouvoir entre l'homme et la machine.

 

 

A- Etude de cas : Skynet et les IA militarisées

 

En 1984 sort sur les écrans le film Terminator de James Cameron qui, sur fond de voyage dans le temps, met en scène une guerre entre des humains, survivants d'un holocauste nucléaire, et des machines dirigées par Skynet, une Intelligence Artificielle. Cela donnera lieu à une véritable franchise de 5 autres films, entre 1991 et 2019, dans lesquels Skynet (ou Légion dans le dernier opus) n'a de cesse de chercher à éliminer l'humanité.

 

1) Skynet, prototype de l'IA génocidaire

 

Skynet est l'IA créée par la société Cyberdyne Systems et reprise à son compte par l'armée américaine afin d'automatiser sa riposte nucléaire. Nous sommes en 1984 quand James Cameron termine le film Terminator : le contexte de « guerre fraîche » a ravivé les craintes d'un holocauste nucléaire comme au cœur de la guerre froide, rendant le propos du réalisateur somme toute plausible.

Les motivations de Skynet lorsqu'elle déclenche le Jugement Dernier (holocauste nucléaire) et qu'elle traque les survivants pour les exterminer sont inconnues. James Cameron puise au cœur du syndrome de Frankenstein (la créature qui se retourne contre son créateur) en y ajoutant l'incompréhension... à la différence de l'autre IA génocidaire du cinéma qu'est la Matrice (trilogie Matrix de Lana et Lilly Wachowski, 1999-2003) qui transforme les humains en source d'énergie.

Outre ces 2 films (série de films plutôt) on trouve ce thème dans la série Battlestar Galactica avec les Cylons dans le rôle de l'IA (ici une civilisation cybernétique) génocidaire.

 

 

2) Skynet, prototype du Big Brother

 

Skynet utilise 2 moyens pour surveiller et contrôler l'humanité :

  • le voyage dans le temps qui est le ressort scénaristique toute la saga, avec allers-retours dans le temps, boucles temporelles et temporalités variables ;
  • le mimétisme : avec les métamorphes (en alliage polymimétique) T-1000 et T-1001 ou par nanomachines injectées (modèle T-3000)

Dans la réalité Skynet / Big Brother existe bel et bien : il s'agit du programme américain d'analyse des données de communication afin de déterminer les potentielles menaces terroristes... prélude à d'éventuelles frappes miliaires ciblées.

 

 

3) Skynet, prototype de l'IA militarisée

 

Skynet a été conçue pour automatiser la riposte nucléaire américaine et, par là même, dispenser l'humain d'avoir à décider... Actuellement nous n'en sommes pas (encore) là. Les IA militarisées sont surtout incarnées par les drones armés dont les actions impliquent toujours une intervention humaine (décision et pilotage) mais qui tendent de plus en plus à l'autonomisation de la prise de décision létale. Cette évolution rend nécessaire une réflexion éthique sur leurs usages, à l'image de ce que demande l'ONG Human Right Watch.

L'évolution de ces IA militarisées montrent que les lois de la robotique d'Asimov ont encore une certaine pertinence : les drones-tueurs peuvent-ils être en conformité avec la 1ère loi ?

 

 

Conclusion

 

Skynet est donc l'archétype de la menace que la machine peur représenter pour l'humanité, et ce à 2 échelles : celle de l'intrusion de l'IA dans notre vie (surveillance, fichage, etc.) et celle du mythe du grand remplacement de l'homme par un stade ultérieur de l'évolution qu'incarne ladite machine.

 

 

B- Créer des machines pour affirmer son pouvoir

 

Les films de SF traitant des machines ne font, d'une certaine façon, que reformuler des interrogations sur le pouvoir de l'homme et les relations que cela induit avec ses créations. Ainsi, en 1921 Karel Capek dans sa pièce R.U.R. met en scène la révolte des esclaves de métal que sont les robots tandis qu'en 1927 le robot féminin de Fritz Lang dans Métropolis est une créature perfide qui trompe les ouvriers et les pousse à la révolte.

 

1) 3 générations de machines pour 3 révolutions scientifiques et techniques

 

On peut déterminer 3 générations de machines représentées au cinéma qui accompagnent chacune une période de progrès scientifique et technique dans lesquelles le génie humain suscitent autant d'espoirs et d'émerveillement que de craintes et d'angoisse :

  • le robot de métal accompagne la 2nde révolution industrielle (fin XIX° - mi XX° siècles) : si l'homme de fer blanc du Magicien d'Oz (Victor Fleming, 1939) en est l'une des figures les plus célèbre et sympathique, ce seront Robby (Planète interdite, Fred M. Wilcox, 1956), Gort (Le jour où la terre s'arréta, Robert Wise, 1951) et le couple C-3PO / R2-D2 (La Guerre de étoiles) les figures les plus emblématiques de cette génération de serviteurs fidèles à leurs maîtres... bien que dans le même temps des robots destructeurs aient vu le jour
  • les ordinateurs sont le symbole de la révolution informatique débutée dans les années 60-70 : les figures cinématographiques abondent et, aux exemples déjà cités dans cet article, on pourra rajouter WOPR, le supercaculateur du NORAD dans le film Wargame (John Badham, 1983 );
  • l'IA est au cœur de la révolution cybernétique en cours : nous en avons déjà cité quelques unes, auxquelles on peut ajouter, récemment, l'OASIS, gigantesque univers virtuel créé par James Halliday dans Ready Player One (Steven Spielberg, 2018) ;

 

2) La machine, serviteur de l'ordre ?

 

Une thème revient très souvent dans les films de SF : la machine (souvent le robot) garante de l'ordre public devient à son tour un danger, soit pour le héro soit pour la société toute entière. Cela pose la question du pouvoir et de sa délégation : peut-on le confier à des machines ? Pour le moment ces robot-policiers font bien pâle figure (voir par exemple le robot-policier de Dubaï ou le robot-Covid19 à Tunis) mais dans les films ils incarnent un maintien de l'ordre plus effrayant qu'efficace : les robots-policiers de THX 1138 (Georges Lucas, 1971), ABC Warrior de Judge Dredd (Danny Cannon, 1995), ED-209 de Robocop (Paul Verhoeven, 1987), les robots de sécurité d'Alita Battle Angel (Robert Rodriguez, 2019), etc.

 

 

3) La soumission

 

On l'a déjà abondamment évoqué la relation homme – machine se situe largement dans le cadre de la soumission. Ce thème a été poussé très loin. Ainsi dans Les femmes de Stepford (roman d'Ira Levin de 1972 puis film de Bryan Forbes en 1975) la servilité du robot serait parfaitement adapté au statut de la femme ! On retrouve cette idée dans Dr. Goldfoot and the Bikini Machine de Norman Taurog (1965) avec ses femmes-robots séductrices.

Il faut remarquer que cette soumission de la machine à l'homme est souvent mise en scène pour être critiquer certes, mais aussi pour pouvoir tenir un discours sur l'homme dominateur et ses plus bas instincts. Quelques exemples :

  • dans Chappie (Neil Blomkamp, 2015) le personnage de Vincent, incarné par Hugues Jackman, rejette le projet de conscience implantée dans les robots que mène l'ingénieur Déon (Dev Patel) car pour lui les robots doivent rester sous le contrôle direct des humains. Mais Déon est le méchant du film... alors...
  • les robots qui peuplent le parc à thème Délos de Mondwest (Michael Crichton, 1973) sont moins là pour dépayser le client que pour lui permettre d'assouvir ses plus bas instincts(11). Cette thématique deviendra la pierre angulaire de la série télévisé Westworld.

 

 

Conclusion

 

La machine au service de l'homme renvoie donc au thème de la création (vu en 2nde partie) et, par là même, au divin... et quand, à l'instar d'Eve croquant la pomme, la machine goute à la liberté cela donne bien souvent le personnage clef du cinéma de SF, le "bad robot".

 

 

C- Le "Bad robot"

 

Le mauvais robot ou la machine prédatrice sont un des thèmes majeurs du cinéma de SF.

 

 

1) La révolte des machines

 

L'image de la machines dangereuse au service d'envahisseurs mal intentionnés a dominé les écrans durant la Guerre froide : manichéisme et défiance vis à vis de la science post-1945 en sont les fondements. Les séries B s'en sont délectées :

Taxer les robots ? Dessin de Ixène (6 mars 2017).

A partir des années 70-80 c'est la révolte des machines qui domine. Cette révolte résulte de la quête de l'autonomie, plus exactement de l'usage que la machine en fera et donc de la subversion. Souvent l'argument du film repose sur un dévoiement du projet initial pour lequel la machine était conçu (cf plus haut le mythe prométhéen). On passe d'une libération de l'humain à son aliénation : dans Terminator ou dans Matrix les machines ont pris le pouvoir ; dans Planète hurlante (Chrsitian Dugay, 1995, tiré de la nouvelle de Philip K. Dick de 1953) des robots devenus autonomes exterminent sytématiquement toute vie sur la planète Sirius 6B, que cela soit les ennemis contre lesquels ils ont été conçus que leurs propres créateurs.

 

 

2) La transgression des lois de la robotique

 

L'autre source scénaristique du "bad robot" se trouve dans les limites, les zones d'ombres, les failles des lois de la robotiques, et plus particulièrement les lois zéro et un :

  • dans I Robot, l'ordinateur central VIKY, se retourne contre l'homme... pour son bien... et veut imposer une sorte de despotisme éclairé ;
  • dans Mondwest (Michael Crichton, 1973) le dérèglement des robots n'est pas réellement expliqué mais il entraîne la violation de la 1ère loi... quoique l'on puisse se demander si ce dérèglement n'est pas plus celui des hommes assouvissant leurs instincts primaires que celui des machines (?)

 

3) L'homme toujours victorieux

 

L'homme l'emporte toujours sur la machine... rien d'étonnant si ce n'est que cela nous dit beaucoup sur la différence, la frontière homme/machine. En effet, si l'homme triomphe, c'est parce qu'il possède certains traits qui le distinguent et le rendent supérieur à la machine. Nous avons donc une autre perception de la frontère homme / machine, bien éloignée des test de Turing et autres réflexions philosophiques. 4 caractères reviennent souvent dans ces films où hommes et machines s'affrontent :

  • l'inventivité et l'ingéniosité : même devenue autonome et "pensante" la machine reste paralysée par une implaccable logique, face à l'homme doué d'un grain de folie / génie qui fera la différence (se reporter aux multiples façons, toutes plus inégnieuses les unes que les autres, de se débarrasser des Terminators lancés aux trousses des John et/ou Sarah Connors) ;
  • la solidarité : les machines sont capables de coopération mais pas de solidarité. Ainsi, unis malgré leurs divergences, les survivants humains d'Oblivion (Joseph Kosinski, 2013) détruiront les beholders-robots envoyés contre eux ;
  • le sens moral : les "mauvaises" machines ne sont pas capables de différencier le Bien du Mal, en ce sens elles sont inférieures aux hommes. C'est parce que VIkI, l'IA centrale d'I, Robot, ne sait pas qu'elle fait le mal qu'elle sera vaincue par 2 humains (Del Sponner et le docteur Calvin) aidés de Sonny, le "bon" robot qui, lui, a acquis un certain sens moral ;

 

Conclusion

Dans l'affrontement il est toujours question d'une machine individuelle qui accède à l'autonomie... rare sont les films posant la question d'un peuple de machines libres, à coté des humains : citons Battlestar Galactica (référence) et ses Cylons ou encore la trilogie Matrix. Bon, on pourra évoquer et, peut-être, oublier sur ce sujet la saga Transformers (Michael Bay, 2007 et les suites en 2009, 2011, 2014 et 2017)...

 

 

D) Le "bon" robot

 

Une perception plus technophile et optimiste émerge dès les années 50-60 (elle doit beaucoup à Isaac Asimov : se reporter plus haut) avec Robbie de Planète interdite, Gort qui assiste Klaatu dans Le jour où la terre s’arrêta, les droïds C-3PO et R2-D2 dans Star Wars, Wall-E, le robot nettoyeur (Andrew Stanton, 2008) ou plus récemment Tars d'Interstellar (Christopher Nolan, 2014). Le récent robot de la postlogie Star Wars est emblématique de ces robots "gentils", à la fois par son nom, BB-8, par sa taille, réduite, et sa forme toute en courbes et rondeurs !

Le "bon" robot est un compagnon. Ansi dans Robot et Franck (2012) Jake Schreier relate une sorte d'amitié entre un vieux cambrioleur atrabilaire et son robot de compagnie en préfigurant sur le ton de la comédie ce que l'irruption probable des robots sociaux pourrait donner dans nos rapport aux machines.  

Parmi ces "bons" robot, une place particulière revient aux méchas défendant la Terre face aux menaces potentielles. Ils naissent et se développent au japon dès les années 50 et furent repris par Guillermo Del Toro dans Pacific Rim (2013) qui en a décuplé la portée métaphorique : les Jaegers affrontent les Kaijus surgissant d'une faille interdimensionnelle tels des matérialisations de nos peurs profondes.

 

 

Conclusion générale

 

La machine, et sa représentation la plus célèbre, le robot, est donc un double artificiel de l'homme et son miroir. Plus encore que l'extraterrestre (cf article précédent) il permet de poser des questions éthiques et philosophiques essentielles sur la singularité de l'espèce humaine (est-ce la conscience, le libre arbitre, l'âme ?). Ces questions, l'état actuel de la robotique permet de seulement les effleurer  car on est très très loin des visions fictionnelles cinématographiques.

Aujourd'hui, le robot ne fait plus vraiment recette au cinéma car les robots ont envahi nos vies. Avec les révolutions de la cybernétique et des biotechnologies, le cinéma s'est emparé du thème du clonage et de l'homme augmenté, sujets de notre prochain article.

SUPERCUT, Robots on film (100 ans de robots au cinéma).