EN ROUTE ! TRANSPORTS ET MOBILITES DU FUTUR

 

"L'imagination est la meilleure compagnie de transport au monde"

mais, au final

”Tous les chemins mènent à Rome"
Roger Fournier (1929-202) et Alain de Lille (1128-1203)

 

 

Introduction

 

Les transports, dans la Sf et son cinéma, sont des outils au service du récit et très rarement des objets de spéculation : il faut donc décrypter et extrapoler. A partir du XIX° siècle la Sf accompagne les révolutions des transports (successivement le rail, l'automobile, l'aérien) en y ajoutant une dimension prospective quant à l'espace. Les transports du futur sont toujours imaginés avec une certaine plausibilité scientifique : même le canon géant de Jules Verne dans De la Terre à la Lune (1865) s'appuie sur les sciences et la technologie de l'époque.

 

Nous verrons dans cet article comment les films de Sf imaginent les mobilités du futur à partir des réalités contemporaines. Ensuite nous nous intéresserons au voyage spatial, thème phare du genre, qui anticipe certes, mais en puisant largement dans le passé.

 


 

I- LE CINEMA DE SF ET LES MOBILITES

 

 

Introduction

Le cinéma de Sf a accompagné les différentes révolutions ayant affecté les transports et il s'est fait le reflet des représentations et des préoccupations de son époque.

(1) Les Voitures volantes, Patrick J. GYGER, 2005, extrait de la préface.

(2) En France on passe de 2,3 millions de véhicules en 1950 à 24,1 millions en 1985. Mais, à un taux de motorisation devenu très élevé s'ajoutent les chocs pétroliers des années 70 qui accélèrent la prise de conscience écologique : ainsi la croissance du parc automobile français passe de 120% dans les années 60 à 50% dans les années 70 et 20% dans les années 80.

A) Etude de cas : la voiture volante


« Symbole d'une modernité qui tarde à arriver, la voiture volante apparaît dans l'imaginaire des ingénieurs dès le début du XXe siècle »(1). Mais les auteurs de Sf les avaient devancés à la suite de Jules Verne qui imaginait, en 1904, dans Le Maître du monde, la 1ère voiture volante, baptisée l’Épouvante. La voiture volante c'est un peu Icare qui rencontre Juan Manuel Fangio, à la croisée de 2 mythes.

 

 

1- Une innovation solidement ancrée dans son époque


Dans les années 30, au moment où l'automobile triomphe et où l'avion devient moyen de transport et non plus prototype, le rêve de croiser les 2 émergent aussi bien dans l'imaginaire des auteurs de Sf que dans celui des ingénieurs (pensons à l’Arrowbile de Waldo Waterman (1937), ou l’Aerocar de Moulton B. Taylor (1949). Les voitures volantes deviennent (avec la soucoupe volante) les stars des films de Sf des années 50-90.

Dans Blade Runner (Ridley Scott, 1982) et dans Le Cinquième élément (Luc Besson, 1997) elles saturent l'espace urbain : on en trouve dans Repo Men (Miguel Sapochnik, 1984) ou Judge Dredd (Danny Cannon, 1994) et bien d'autres films, plutôt de série B d'ailleurs (voir une liste sur Senscritique) ; elles envahissent le ciel de Coruscant dans la prélogie Star Wars (Georges Lucas, 1999, 2002, 2005). Ce sont parfois également des motos volantes comme dans Wonderfull Days (Kim Moon-Saeng, 2004) ou dans Le retour du Jedi (Richard Marquand, 1983) dans lequel une course-poursuite dans les forêts d'Endor met en scène des motojets 74-Z équipée de canons laser.

 

On peut pousser l'analogie entre les voitures volantes de la Sf et l'ère de l'automobile en s’attachant aux conducteurs de ces voitures : quasiment tous des mâles blancs virils à l'image de Rick Deckard (Harrison Ford) ou Corben Dallas (Bruce Willis)... Bon ! Il y a des exceptions, comme Marty McFly (Michael J. Fox) mais, l'association voiture / mâle fonctionne malgré tout. Par contre il existe 2 notables différences entre les voitures volantes des films de Sf et le mythe de l' automobile :

  • dans les films la voiture volante est un outil urbain alors que le mythe associe plutôt la voiture aux vastes espaces (je vous recommande le morceau musical et le clip l'accompagnant, de Joe Bonamassa, Drive, pour vous en imprégner :

Même la DeLorean de Retour vers le futur (Robert Zemeckis, 1985, 1989, 1990) acquiert la capacité de voler grâce à l'hover-conversion. Justement le choix du modèle DeLorean DMC-12, est symbolique des années 80, décennie du basculement de la civilisation de l'automobile, entre son apogée puis sa remise en question(2). En effet ce modèle fut à la fois un symbole de « la voiture du futur » par ses innovations technologiques et son design... mais aussi d'un passé révolu en regard de son prix exorbitant et de ses performances médiocres.

  • la technologie permettant le vol repose, le plus souvent, dans les films, non sur des moteurs, réacteurs ou des hélices mais sur l'antigravité... Cette technologie (fictive) fait disparaître les roues mais les véhicules conservent nettement un look automobile !

A gauche, Le cinquième élément / à droite, Blade Runner

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

 

ARTICLES et OUVRAGES

 

 

BAVOUX, Jean-Jacques. Science fiction et hyper-géographie des transports. In  Mobilités contemporaines – approches géoculturelles des transports (sous la direction de Gilles FUMEY, Jean VARLEY, Pierre ZEMBRI), Ellipses, 2009.

 

BEARZATTO, Aldo - BOUGON, Hervé. Cinéma de science-fiction et imaginaires de la mobilité. Revue Azimuts. Sur le blog Ville&cinéma : VOIR.

 

GAUDREAULT, Marc. Pour une poétique du discours scientifique : distorsions spatio-temporelles dans la science-fiction et le fantastique. Thèse de doctorat, Université du Québec. 2014 : VOIR.

 

LAVERGNE, Marion. La mobilité du futur : de la science-fiction à la réalité ? Le journal du Net, décembre 2020 : VOIR.

 

MICHAUD, Thomas. L'imaginaire des transports du futur, un enjeu pour des territoires créatifs. Sur le site de l'Espace Mendès-France de Poitiers : VOIR.

 

MUSSET, Alain. Station Metropolis direction Coruscant. Le Belial, 2019.


MENEGALO, Gilles. Parcours géographiques, temporels et génériques et quête ontologique dans quelques
films de SF contemporains : IA (Spielberg) et Cloud Atlas (Wachowsky brothers).
Intervention dans le colloque « Mobilités dans le fantastique et la SF » organisé par Patricia CROUAN-VERON et Arnaud HUFTIER avec le soutien du CERLI (20 au 22 novembre 2014 à l’IUT de Fontainebleau : VOIR la présentation.

 

SANDER, Agnès. Les réseaux dans la science-fiction. Revue Flux 2003/1 (n° 51), pages 50 à 63 : VOIR.

 

 

 

SUR LE WEB

 

La Wikipedia

 

  • la page des concepts en Sf : VOIR.

  • l'hyperespace : VOIR.

  • le vaisseau spatial : VOIR.

  • la vitesse supralumique : VOIR.

  • la voiture volante : VOIR.

 

 

KIRK, Chris. Enterprise, Faucon Millenium, Galactica... Le comparatif ultime des vaisseaux spatiaux. Sur Slate.fr : VOIR.

 

MOLLE, Geoffrey. Les imaginaires cinématographiques des mobilités urbaines de demain. VOIR.

 

MUSSCHE, Alexandre & BEAUCHER, Romain. Voiture intelligente, ville bête : chronique des futurs possibles. Sur le blog Vraiment Vraiment : VOIR.

 

NOISETTE, Thierry. Voilà comment la science-fiction imaginait les transports en 2020. Le NouvelObs, numéro spécial « Notre vie en 2049 », février 2020 : VOIR (abonné).

 

OEILLET, Audrey. Science et fiction : la "vraie" voiture volante peut-elle exister ? Sur Clubic : VOIR.

 

OLUKOTUN, Bayo. Mais quel est le meilleur véhicule de science-fiction ? Sur le site Redbull, novemnre 2018 : VOIR.

 

POULOPOULOS, Kostas. Ville suspendue et urbanisation 2.0. Interview donnée au blog Urban Hub : VOIR.

 

ROZIERES , Grégory. Les vaisseaux spatiaux des films de science-fiction pourraient-ils vraiment voler ? Dans le Huffington Post (avril 2017) : VOIR.

 

TREGLODE,Hervé. L’Hyperloop est-il un roman de science-fiction ? La tribune, septembre 2014 : VOIR.

 

WILLINGS, Adrian. 19 meilleurs vaisseaux spatiaux de cinéma et de télévision : Le métier vedette qui a défini notre enfance. Sur le blog Pocket-Lint : VOIR.

 

 

En vrac

 

 

Voyager dans un tube assis dans une capsule, un transport futuriste promis pour 2020. Sur le site de Sciences et Avenir : VOIR. https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/voyager-dans-un-tube-assis-dans-une-capsule-un-transport-futuriste-promis-pour-2020_106481

 

The Encyclopedie of Science-fiction (SFE), article Transportation : VOIR.

 

La fusée au décollage sur le site Tintin.com : VOIR.

 

Site de l'Association Européenne des Voitures Volantes : VOIR.

 

Au volant des voitures volantes : de la science-fiction à nos jours. Sur le blog A chacun sa route : VOIR.

 

Prospective de la mobilité et science fiction. Sur Respublic : VOIR.

 

L’association des nouvelles technologies fait naître des moyens de transport futuristes. Sur le site Urban Hub : VOIR.

 

Capsule, navette, drone : dix façons de voyager dans un futur proche. Le Monde, août 2017 : VOIR.

 

Le paléo-futur : quand la science-fiction, en littérature, prédit l’avenir. Sur le blog Actualitté (2016) : VOIR.

 

Le vaisseau générationnel : réflexions et simulations. Sur le blog Luxorion : VOIR.

 

Méthodes de déplacements dans l'espace en Science Fiction. Sur un blog de fan : VOIR.

 

La voiture dans les œuvres de science-fiction : quels enjeux pour la fabrication des villes du futur ? Sur le blog Alterville : VOIR.

 

Le voyage spatial. Sur le blog Aux portes de l'imaginaire, 2015 : VOIR.

 

 

 

ECOUTER

 

 

ATALLAH, Marc. la mobilité dans la science-fiction in La mobilité de demain (5/5). Emission Intercités de la RTS : ECOUTER.

 

Demain : finie la voiture individuelle ? . Table ronde avec Stéphanie VINCENT et Bernard JULIEN. Dans Quelles mobilités pour demain ? 18 septembre 2020. Bordeaux Matropole. ECOUTER.

 

Voitures volantes : attention décollage. In La Méthode scientifique par Nicolas Martin, 23 /09/2020 : ECOUTER.

 

 

 

REGARDER


Transport : le drone taxi, de la science-fiction à la réalité. Sur FranceTvinfo : REGARDER.

 

Les moyens de transport futuristes. Sur Tv5monde : REGARDER.

 

CHASE, Robin. La voiture servicielle : REGARDER.

 

SUTTER, Paul. Will Interstellar travel ever be possible ? REGARDER.

 

 

 

A PROPOS DES FILMS CITES

 

  • Liste de films

Sens Critique, voitures volantes : VOIR.

 

  • 2001, l'Odysée de l'espace

What What Kubrick did with the man from Nasa ? Article du Télégraph (eng) : VOIR.

 

  • Alien, le 8° passager

Article sur le Nostromo sur un site de fans : VOIR.

 

  • Passengers

Passengers : un voyage interstellaire vraisemblable ou pas ? Sur le blog Mats One : VOIR.

 

  • Retour vers le futur

La DeLorean sur la Wikipedia : VOIR.

 

  • Star Trek

TRIOU, Natacha. Star Trek : plus vite que la lumière ? In la Méthode Scientifique (Arte, 2019) : VOIR.

La distorsion sur la Wikipedia : VOIR.

 

  • Star Wars

A propos de la technologie spatiale dans Star Wars, un site de fans : VOIR.

Le Faucon Millenium sur la Wikipedia : VOIR.

Irréaliste, violente, destructrice. La représentation de la mobilité au cinéma (2/6): Star Wars VII, Le Réveil de la Force. Sur le blog carfree.fr : VOIR.

Jules Verne : De la Terre à la Lune et Le maître du monde.

 

II- VAINCRE L'ESPACE ET LE TEMPS

 

 

Introduction

 

Lorsque les dimensions inimaginables de l'Univers furent connues et vulgarisées, la Sf a du imaginer comment vaincre l'espace et le temps en créant de nouveaux rapports à la vitesse et aux territoires.

 


 

A) Etude de cas : le Faucon Millenium, l'Enterprise, le Nostromo et l'Avalon


 

Introduction

 

4 films (ou séries de films), 4 vaisseaux emblématiques mais la même problématique : comment vaincre les incommensurables distances spatio-temporelles de la Galaxie, sachant que la physique moderne postule que la vitesse de la lumière, si un jour l'humanité est capable de l'atteindre, constitue un mur infranchissable ? Ces films apportent 2 réponses différentes. Analyse...


 

1- Hibernatus


Dans Passengers (Morten Tyldum, 2016) le vaisseau Avalon transporte 5000 colons de la Terre vers la planète (imaginaire) Homestead II pour un voyage de 120 ans, à une vitesse proche de la moitié de la vitesse luminique. Sachant que l'étoile la plus proche de notre système solaire est Proxima du Centaure située à 4,22 années-lumière et que d'autres étoiles sont situées dans un rayon d'une dizaine d'années-lumière de la Terre, alors oui, le postulat du film se tient. Pour faire arriver les passagers à bon port l'hibernation en caisson individuel est la solution choisie(5).

C'est la même approche que Ridley Scott a choisi dans Alien, le huitème passager (1979). L'USCSS (United States Cargo Star Ship ) Nostromo est un cargo spatial appartenant à la Weyland-Yutani, de 200 millions de tonnes de capacité voyageant à des vitesses subluminiques (entre 0,1 et 0,4 année-lumière par jour) dont l'équipage passe l'essentiel du voyage en hibernation (hypersommeil).

B) Au miroir des représentations


 

A l'image des voitures volantes la Sf a imaginé (et anticipé) d'autres révolutions des transports. Oublions l'espace pour le moment et examinons ce que le cinéma de Sf nous dit des transports du futur.

 

 

1- La ville, lieu de toutes les révolutions

 

La ville verticale (reportez-vous à l'article de ce site sur la ville en Sf) est un concept-clef de la Sf que Fritz Lang a exposé dans Métropolis, en 1927. Nos actuelles représentations de routes et autoroutes urbaines bondées sont remplacées par celles de flux aériens superposés tout aussi encombrés qui sillonent Métropolis (1927), Galactic City (Star Wars), New-York (Le Cinquième élément), etc. Pour connecter les tours de ces villes les scénaristes ont donc imaginé véhicules volants, transports suspendus, ascenseurs hyper-rapides, etc. Ils ont anticipé une évolution en cours dans les méga-cités que traduit le concept de villes suspendues : les liaisons verticales et horizontales créeront des sous-espaces urbains interconnectés (en savoir plus).

On s’aperçoit finalement que la plupart des outils de mobilité imaginés dans ces films restent assez proches d'une réalité ripolinée à la technologie futuriste. Car c'est bien dans le domaine de l'innovation technologique que la Sf a été la plus anticipatrice. A l'aérien la Sf a souvent ajouté des technologies actuellement en cours de recherche (plus rarement en cours développement) :

  • l'automatisation est piste la plus étudiée actuellement pour les futures mobilités. Sans parler des Google-Car et autre Tesla citons, par exemple, la navette électrique autonome Easymile testée par la RATP entre les gares d’Austerlitz et de Lyon :

 

  • la vitesse par suspension magnétique comme le Maglev japonais (un nouveau train reliant Tokyo et Nagoya utilisera cette technologie pour réduire de moitié les temps de trajet) ou l’Hyperloop d’Elon Musk (des tubes partiellement sous vide aériens ou souterrains pour atteindre des vitesses de l'ordre de 1 000 km/h dont l'idée est déjà commercialisée) ou encore le SkyTran de la NASA qui va être testé en Israël et en Inde :

La Delorean vole (Retour vers le futur II)

Source WIKIPEDIA

Le taxi de Corben Dallas /  l'Airspeed XJ_6 d'Anakin et Obi-Wan

2- Pas de voitures volantes en vue : pourquoi ?

 

Pourtant aucune voiture volante n'a réellement vu le jour, même si aujourd'hui des projets sont en cours. Bien sûr, en cherchant bien on trouvera quelques prototypes comme la Pal-V hollandaise ; on trouvera aussi une Association Européenne des Voitures Volantes, mais, en réalité, le concept de voiture volante a disparu au profit d'engins électriques à décollage vertical (eVTOL : Electric Vertical Take-off and landing). De fait le drone a détrôné la voiture volante, comme le Vahana, prototype qu'Aibus a développé entre 2016 et 2020 :

Cette évolution s'explique par les innovations technologiques et par l'impératif écologique(3). Par contre ces véhicules eVTOL empruntent une autre piste ouverte par la Sf, l'autonomie, c'est à dire l'absence de pilote humain dans le véhicule, à l'image du Johnny Cab de Total Recall (Paul Verhoeven, 1990)... Mais aujourd'hui, Johnny Cab aura plutôt le look d'un drone taxi comme le ZenHop d'Airbus à l'étude.

(3) En 2010 le parc automobile français de plus de 35 millions de voitures était à 100% thermique ; aujourd'hui l'hybride représente 22% du parc et le tout électrique presque 6%.

Johnny Cab et Doug Quaid (Arnold Schwarzenegger)

Conclusion

 

Le concept de voiture volante était un pur produit de la civilisation de l'automobile qui avait imprégné profondément les auteurs et scénaristes... et qui ne s'est pas réalisé... du moins sous la forme imaginée ! Mais rappelons-nous que la technologie à la base des voitures volantes de Sf, l'antigravité, n'a pas été encore inventée, alors... soyons patients ! ?

La navette autonome sur les berges de la Seine

Tesla autopilotée

Skytran

Hyperloop à Toulouse

Mais, et c'est heureux, la Sf a aussi imaginé des modes de transport totalement irréalistes actuellement : l'antigravité ou la téléportation par exemple...

Il est un point finalement où le cinéma de Sf et notre époque se rejoignent : les vertus écologiques des transports de l'avenir. Les modes de propulsion à énergie fossile semblent voués à disparaître... enfin presque, car, si scénaristiquement et visuellement parlant les réacteurs du futur ne sont plus thermiques, il reste, dans la bande-son, de quoi douter car les rugissements des véhicules ne sont pas sans rappeler F1 et autres bolides !

2- La Sf a-t-elle tout anticipé ?

 

Ce cinéma de Sf, essentiellement américain(4), quand il nous parle de mobilités urbaines, reste largement ancré dans un imaginaire individualiste, le plus souvent centré sur la voiture. Ainsi la mythique poursuite menée par Anakin (Hayden Christensen) et Obi-Wan (Ewan McGregor) dans L'attaque des clones (Georges Lucas, 2002) pour rattraper la tueuse Zam Wesell (Leeanna Walsman) aurait eu largement sa place dans la série Fast & Furious :

Les transports collectifs ne sont guère plus que des autobus et autres métros volants ou glissant par antigravité. On a beau chercher, les évolutions en cours centrées sur les usages et non les technologies, en ce qui concerne les mobilités urbaines, sont absentes des films de Sf :

  • le multimodal et intermodal ? A l'image, bien connu maintenant, du ferroutage, se développent des projets de train / avion ou de pods autonomes par exemple...
  • La voiture servicielle (voir à ce propos la vidéo de la conférence donnée par Robin Chase, fondatrice de Zipcar) ? On la devine malgré tout dans Minority Report de Steven Spielberg (2002), avec des voitures automatiques dans lesquelles on monte n'importe quand... au prix d'une identification biométrique par scan rétinien ;
  • les mobilités douces ? Totalement absentes ! Il faut dire que le vélo n'est peut-être pas très « science-fictionnel » ! ? Ah oui, j'oubliais l'hoverboard de Marty McFly (Michael J. Fox) dans le 2nd volet de Retour vers le futur (Robert Zéméckis, 1989) ;

(4) D'ailleurs la géographie des villes de Sf doit beaucoup au modèle étasunien façonné par la voiture : plan orthogonale, larges voiries rectilignes, larges trottoirs, parkings surdimensionnés, etc.

Conclusion

 

Malgré des looks futuristes et des technologies tout aussi nouvelles qu'improbables, les véhicules du cinéma de Sf ne sont, pour la majorité, que des représentations des modes de transport dominants de leur époque, automobile en tête. On trouvera plus de nouveautés, d'originalité et, au final, plus d'intérêt pour l'espace et les véhicule spatiaux.

Dans les 2 cas, les scénaristes s'appuient donc sur des postulats scientifiques cohérents mais encore très lointains et vagues. L'Avalon et le Nostromo voyagent sous la vitesse-lumière et utilisent la technologie de la cryogénisation pour préserver équipage et passagers. Bien sûr, aucune des technologies suggérées n'est encore au point, mais leur développement reste plausible (voir, par exemple, le cas de la cryonie).

En fait, derrière la science-fiction, on trouve des représentations bien actuelles. En effet dans les 2 cas les vaisseaux sont des projections d'un solide imaginaire marin :

  • le Nostromo a été conçu comme un vieux cargo transocéanique usé par de nombreux voyages et patiné par le temps, entretenu par 2 sortes de soutiers-mécanos, Brett (Harry Dean Stanton) et Parker (Yaphet Kotto) ;

(5) Il ne me semble pas que le cinéma de Sf ait produit un film dans lequel le voyage intersidéral se fasse sur des générations. Ce thème du vaisseau générationnel a été , par exemple, développé par Robert Heinlein, en 1968, dans Les enfants de Mathusalem.

A gauche, l'Avalon (Passengers, 2016) / à droite le Nostromo (Alien, le 8° passager, 1979)

  • l'Avalon ressemble à ces immenses navires de croisière sillonnant la Méditerranée ou le bassin caribéen, comme le Symphonie of the seas, le plus grand actuellement en usage dans le monde ;

Le symphonie of the Seas : 6 680 passagers et 2 390 membres d'équipage.

A gauche, intérieur de l''Avalon (avec  Aurora - Jennier Lawrence - et Jim - Chris Pratt -)

A droite intérieur du Symphonie of the seas.

2- Citius


Avec le Faucon Millenium de Han Solo (Harrison Ford) et l'Enterprise du capitaine James T. Kirk (William Schatner) nous entrons dans des représentations fantasmées du voyage spatial. Star Wars et Star Trek sont des sagas galactiques emmenant les héros au travers d'un univers gigantesque bien que mal défini :

  • « Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine » : Star Wars ;
  • « Espace, frontière de l'infini, vers laquelle voyage notre vaisseau spatial. Sa mission de cinq ans : explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d'autres civilisations, et au mépris du danger avancer vers l'inconnu » : Star Trek

A gauche, le Faucon Millenium de Han Solo / à droite l'Enterprise de James T. Kirk

Dès l'ouverture le ton est donné : la science servira la fiction et celle-ci s'en affranchira allègrement, tout particulièrement quand il s'agira de voyager dans l'espace à des vitesses supraluminiques. Dans les 2 cas les scénaristes font appel au sésame du voyage galactique, l'hyperespace. Conçu par les auteurs de fiction (écrivains ou scénaristes) à partir des travaux des physiciens (Einstein et la relativité ou le fameux le trou de ver, appelé aussi pont d’Einstein-Rosen) l'hyperespace est une dimension où le voyage (le plus souvent présenté comme un saut) peut se faire à des vitesses prodigieuses :

  • dans Star Wars le Faucon Millenium passe dans l'hyperespace grâce à la technologie de l'hyperdrive qui utilise, comme carburant, l'hypermatière. Le préfixe hyper est bien utile non ? Mais de fait les explications scientifiques n'ont guère d'importance et si Han Solo (Harisson Ford) mélange unité de temps et de distance (le Millenium Faucon est « le vaisseau qui a fait le raid de Kassel en moins de 12 parsecs ») qui s'en apercevra et surtout qui s'en souciera ?

1ère rencontre entre Luc Skywalker et Han Solo dans le premier volet de la saga...

  • dans Star Trek l'Enterprise passe en distorsion (en anglais warp) : le vaisseau est stable, dans une bulle de distorsion, alors que le moteur contracte l'espace-temps devant et l'allonge à l'arrière, permettant ainsi d'atteindre, sans dommage, des vitesses supraluminiques(6). James O'Donoghue (ingénieur travaillant pour l'Agence spatiale japonaise) a illustré, à l'échelle du système solaire, ce que donne cette fameuse distorsion en utilisant le manuel technique de 1991 publié par les deux conseillers techniques de la série :

(6) Ce postulat scientifique a été énoncé par Alcibierre en 1994.

Warp speed in the solar system

Dans les 2 cas (hyperdrive ou distorsion) la représentation visuelle (et sonore) du passage en hyperespace est proche : les étoiles s'étirent en lignes lumineuses dans un maelstrom visuel et sonore pour s'achever par une sorte de sortie de tunnel :

A gauche le Faucon Millenium passe en hyperdrive / à droite l'Enterprise passe en distorsion.

Conclusion

 

Vaisseaux du futur certes, mais surtout représentations solidement ancrées dans un imaginaire familier, nos 4 vaisseaux de légende incarnent les réponses des auteurs et scénaristes de Sf au défi de l'espace et du temps galactiques.

 

B) Comment vaincre l'espace-temps ?


 

Le cinéma de Sf se régale de voyages spatiaux (et pas uniquement au sein du genre Space Opera d'ailleurs), sources d'images puissantes flattant l'imaginaire du spectateur. Le voyage spatial emprunte largement à l'histoire de la découverte et la maîtrise de la planète par les marins (du XVI° au XIX° siècles) dont l'imaginaire et les représentations imprègnent le voyage spatial.


 

1- Un trope narratif

 

Hyperespace, trous de ver ou cryo sommeil sont des tropes narratifs de la Sf reposant sur la connivence du spectateur (la fameuse suspension consentie d'incrédulité). Parfois cela va encore plus loin car ce sont les fans qui construisent, à coup de forums et pages Wiki, le récit scientifique afin de rendre la science-fiction aussi réaliste que possible (se reporter à ce propos à la bibliographie).

Mais chaque film cherche une caution scientifique, plus ou moins réaliste. Selon Marc Ross Gaudrault  : « le discours scientifique et l’imaginaire de la science-fiction entrent en interrelation, voire même en symbiose […] la fiction devenant une représentation d'un impossible probable : ce qui est aujourd’hui science-fiction sera demain peut être réalité »(7).

Outre les 2 sagas précitées on trouve l'hyperespace dans pas mal de films, comme, par exemple, Supernova (Walter Hill, 2000) : le passage en hyperespace (selon le mode Warp de Star Trek) est représenté, visuellement, par une explosion de lumière suivi d'un noir absolu puis du retour de la lumière :

 


 

 

(7) GAUDREAULT, Marc Ross. Traverser le cosmos : Panorama de l’hyperespace. Université du Quebec: VOIR.

Supernova, le passage en hyperespace.

Le trou de ver est également un must du voyage spatial. On le trouve dans :

  • Interstellar (Christopher Nolan, 2014) : le trou de ver se nomme Gargantua ;
  • Contact (Robert Zemeckis, 1997) : le docteur Arroway (Jodie Foster) traverse le trou de ver en 1/10° de seconde alors que sa perception du voyage est de 18 heures ;
  • Event Horizon (Paul W. S. Anderson, 1997) : la bande-annonce laisse entrevoir le système qui crée le trou de ver ;
  • Stargate la porte des étoiles (Roland Emmerich, 1995) : ladite porte étant un trou de ver ;

A gauche la BA d'Event Horizon / à droite la BA de Stargate, la porte des étoiles...

Des histoires de trous de ver...

Et si on remettait tout cela en perspective ? Actuellement les sondes Voyager 1 et 2, lancées en 1977 vers l'espace interstellaire voyagent à une vitesse approximative de 62 000 km/heure, soit 0,00005 fois la vitesse de la lumière et elles se trouvent à plus de 22 milliards de km de la Terre. Ce sont les objets humains les plus éloignées... mais il leur faudrait plusieurs milliers d’années pour atteindre Proxima du Centaure. La sonde solaire Parker, lancée en 2018, est l'objet le plus rapide jamais construit, avec plus de 390 000 km/heure, atteint en janvier 2020... certes, mais il lui faudrait, là aussi, près de 20 000 ans pour atteindre Proxima du Centaure... Moralité : soyons patients !


 

2- Des vaisseaux hautement cinégéniques

 

Les vaisseaux spatiaux des films de Sf sont avant tout des objets de design cinématographique très connectés à leur temps. Pour Georges Méliès (Le voyage dans la Lune, 1902), à la suite de Jules Verne, le vaisseau spatial ne peut qu'être un obus tiré d'un énorme canon : nous sommes à l'ère pré-spatial (et même pré-aérienne). Les années 30 à 50 produiront, elles, 2 types de vaisseaux spatiaux :

  • la fusée, immortalisée par Hergé (Objectif Lune puis On a marché sur la Lune, parus, pour les albums, en 1953-1954), dont la représentation la plus connue est celle du V2 allemand de 1945(8) ; on retrouve ce design dans Destination... Lune ! d'Irvin Pinchel en 1950 ;
  • la soucoupe, mise en scène par Byron Haskins en 1953 dans La guerre des mondes et que l'on retrouve dans de nombreux films des fithy's comme le célèbre Planète interdite de Fred McLeod Wilcox en 1950 ;

(8) Wernher von Braun, l'inventeur du V2, est aussi le concepteur des fusées Saturn de la NASA, dont le modèle V enverra Armstrong, Aldrin et Collins sur la Lune en juillet 1969.

A gauche : Planète interdite de Fred McLeod Wilcox (1950), l'atterrissage

A droite le décollage de la fusée lunaire dans Objectif Lune, le dessin animé

(La totalité des 2 albums en dessins animés : ICI)

Ensuite les vaisseaux, en s'affranchissant des règles élémentaires de la physique actuelle, pour proposer champs de force, gravité zéro, trous de ver ou hyperpropulsion, seront designés (et sonorisés) avant tout pour la puissance visuelle/sonore qu'ils offriront... tout en conservant toujours une part de réalisme scientifique :

  • un réalisme incarné par le Discovery One de 2001, l'Odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, 1968) qui sépare nettement le moteur nucléaire de l'habitat sphérique dont la rotation permet à l'équipage de ne pas être toujours en apesanteur(9) ;
  • ou, au contraire, un très faible réalisme, sacrifié au profit de la tension dramatique comme, par exemple, le sont souvent les vaisseaux des méchants de l'histoire comme les Oiseaux de proie Klingons (Star Trek) au design de faucon ou encore le Dark Aster de Ronan dans Les Gardiens de la Galaxie (James Gunn, 2014) au design sombre et torturé :

Mais les vaisseaux spatiaux et, plus généralement, la navigation spatiale puisent à 2 sources de représentation :

  • la navigation maritime dont les représentations ont été fixées aux XVIII° siècle (marine à voile, pirates et corsaires...) et XIX° siècle (ère de la vapeur). Le spectateur retrouvera donc des images familières que ce soit dans les vaisseaux de guerre (dans Starship Troopers de Paul Verhoeven en 1997, l'armada qui attaque Klendathu ressemble fichtrement à celle du 6 juin 1944) ou de loisir (le paquebot Flostom Paradise dans Le Cinquième Élément (Luc Besson, 1997) ou l'Axiom dans Wall-e (Andrew Stanton, 2008)) ;
  • l'aérien militaire : que cela soit dans la saga Star Wars, dans Les Gardiens de la Galaxie et bien d'autres films, le ballet aérien spatial puise aux sources du Dog Fight des 1ère et 2nde guerres mondiales ou mieux, à Top Gun (Tony Scott, 1986) ! Cette idée du pilote surpassant la machine se retrouve aussi dans une certaine défiance pour le gigantisme : finalement, les vaisseaux spatiaux, plus ils sont énormes, plus ils sont destinés à la destruction comme dans les 2 étoiles de la mort dans Star Wars, (épisodes IV et V), la flotte des super-croiseurs Siths dans L'ascension de Skywalker (J.J. Abrams, 2019) ou le Dark Aster des Gardiens de la Galaxie... bien que cela ne soit pas une règle absolue si nous repensons à la destruction de l'Entreprise par l'essaim de Krall dans Star Trek : Sans limites (J.J. Abrams, 2016).

(9) L'expérience de l'ISS a démontré les effets néfastes qu'une trop longue exposition à l'apesanteur peut entraîner.

A droite : Discovery One de 2001, l'Odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, 1968).

 

En bas à gauche, un Oiseau de proie Klingon dans Star Trek.

 

En bas à droite le Dark Aster de Ronan dans Les Gardiens de la Galaxie (James Gunn, 2014)

A gauche : les étoiles de la mort (Star Wars)... vraiment balèzes !!!

A droite : l'armade des croiseurs Siths... vouée à la destruction.


 

C) De la mondialisation et la « Galaxisation »

 

Lorsque dans les films de Sf l'humanité s'est répandue dans la Galaxie et a, parfois, fondé un empire les scénaristes sont imprégnés de 2 concepts :

  • dans l’histoire, les plus grandes civilisations (comme l'Empire romain) sont celles qui ont réussi à construire les réseaux de transport les plus efficaces ;
  • la mondialisation impose une uniformisation, sans cesse combattue

 

Pour en savoir plus reportez-vous à l'article Colonisation et empire de ce site.

 

En ne gardant que le thème des transports les récits de Sf de type Space Opera transposent le concept de mondialisation à l'espace ("Galaxisation" ???). On y trouve les flux spatiaux (le Nostromo, déjà évoqué, transporte des matières premières) et les spatioports (de Star Wars par exemple) offrent les 2 éléments d'une activité commerciale familière.

Dans les films ce sont des sociétés privées qui transportent :

  • les hommes : dans Passengers (Morten Tyldum, 2016) l'Avalon appartient à la société Homstead.... également propriétaires de la planète-coloniale, objectif du voyage ;
  • les produits : dans Alien, le 8° passager (Ridley Scott, 1979) c'est la société Weyland-Futani qui possède le Nostromo ;

On pourrait multiplier les exemples en y ajoutant entre autre la RDA pour Avatar (James Cameron, 2009) qui a reçu la concession de Pandora pour l'unoblatium. Ainsi dans le cinéma de Sf le service public de transport n'existe quasiment pas ! C'est un peu à l'image de la conquête spatiale naissante de la fin XX° / début XXI° siècles : d'abord entre les mains des états et de leurs agences spatiales elle commence à basculer vers le secteur privé, incarné, par exemple, par la société Space-X d'Elon Musk dont les ambitions lunaires et martiennes passeront par l'organisation d'un réseau de transport efficace.

Conclusion

 

Il me semble que ça n'est pas le cinéma qui parle le mieux de l'organisation des réseaux de transport à l'échelle galactique... Outre la littérature(10) c'est, surtout actuellement, le jeu vidéo qui pousse le plus loin cette exploration avec, en particulier, les jeux dits 4X.

Conclusion générale

 

Transports et mobilités ne sont pas des objets de spéculation pour le cinéma de Sf... hormis, bien sûr, le voyage spatial, l'un des thèmes les plus anciens et explorés de la Sf. Ce thème est un condensé du cinéma de Sf en ce qu'il :

  • nous parle du futur avec une débauche d'objets visuels et sonores étranges et fascinants ;
  • nous parle de science et de technologie en mélangeant prospective technologique (voitures volantes, trains à suspension, etc.) et découvertes scientifiques improbables (distorsion, trou de ver, anti-gravité, etc.) ;
  • nous renvoie vers un présent familier, mélange de nostalgie du passé (automobile, road-trip, etc.) et de perspectives écologiques (énergies "propres", fin de la pollution, etc.) ;

(10) Dans le cycle Fondation d'Isaac Asimov, l'un des éléments de la chute de l'Empire Galactique est la rétractation du commerce...

Les sondes Voyager 1 et Parker