(1) En tout cas selon de nombreux historiens du cinéma... sachant que l'ingénieur Dickson qui travaillaient pour Thomas Edison a réalisé des bandes fimiques dès 1891),

(2) RYNJOLFSSON, Erik et McAFEE, Andrew. Le Deuxième Âge de la machine. Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique. Odile Jacob, 2016.

STIEGLER, Bernard. La Société automatique. 1. L'Avenir du travail. Editions Fayard, 2015.

(3) Arntz, M., T. Gregory et U. Zierahn (2016), « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries : A Comparative Analysis », Documents de travail de l'OCDE sur les questions sociales, l'emploi et les migrations, n° 189, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jlz9h56dvq7-en

(4) Katja Grace et al., When will AI exceed human performance ? Evidence from AI experts, 2017 (Sur ResearchGate.

(5) Typologie que l'on doit à cet article, À quoi ressembleront les entreprises en 2050 ? de Stowe Boyd dans le magazine Wired ; cité par Daniel KAPLAN, dans le dossier Boulofictions sur Usebk&Rica

(6) La Sf projette ici la pensée de Hannah Arendt qui, dans son livre Condition de l’homme moderne (Calmann Levy, 1961) utilise la distinction romaine entre opus et labor : un travail imposé par la nature pour survivre (c'est une aliénation) et un travail créatif choisi pour accomplir des projets (l'oeuvre survit à l'existence de l'individu).

 

(7) Isaac Asimov dans un texte de 1964, traduit sur Framablog.

 

La notion de travail dans le CINEMA DE SCIENCE-FICTION

 

« Le travail c'est la santé ! (Rien faire c'est la conserver) »

Henry Salvador - Maurice Pon (chanson de 1965)

 

 

Dans le tout premier film de l'histoire du cinéma(1)La sortie de l'usine Lumière (1895) Louis Lumière met en scène les ouvrières, suivis des cadres, sortant de son usine lyonnaise. En 1927 Fritz Lang réalise Métropolis dans lequel les ouvriers-esclaves du monde souterrain finissent par se révolter contre l'élite oisive de la ville. C'est donc le monde du travail et des travailleurs qui apparaît sur les écrans très tôt.

A la suite de Lang, la Sf et son cinéma ont poussé toujours plus loin des hypothèses pour parler de l'avenir du travail, d'autant que le cinéma s'est développé avec les mutations qui ont transformé le travail humain : mécanisation puis automatisation ; usines puis bureaux ; travail aliénant et travail libérateur ; sécurité de l'emploi puis précarisation et uberisation...

Après avoir étudié le traitement du travail dans le film de Neil Blomkamp, Elysium (2013), nous verrons comment les films de Sf ont, par la dystopie, analysé le futur du travail et des travailleurs pour terminer par la façon dont le cinéma de Sf envisage le travail dans un futur plus ou moins lointain.

 

 

 

I- Etude de cas : Elysium, l'avenir sombre du travail

 

En 2013 le réalisateur sud-Africain Neil Blomkamp sort Elysium, son second long-métrage, après, et grace au succés 4 ans auparavant de District 9. Le film est une dystopie sombre (pléonasme !) sur l'avenir d'une humanité (en l'an 2154) n'ayant pu combattre les maux comptemporains qui la rongent : pollution, changement climatique, etc. Dans cette étude de cas nous ne nous intéresserons qu'au thème du travail tel qu'il est projeté par le réalisateur, un thème présent sous de nombreuses formes. Analyse...

 

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

 

 

Lire : ouvrages et articles

 

BRYNJOLFSSON, Erik et McAFEE, Andrew. Le Deuxième Âge de la machine. Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique. Odile Jacob, 2016. Un CR de lecture par Guillaume FAUVEL sur Nonfiction.fr : VOIR.

 

DEUXANT, Benoit. Le futur du travail - Survol des fictions spéculatives sur le travail. Sur Pointculture : VOIR.

 

KAPLAN, Daniel. Quatre articles du Dossier Boulofictions sur Usebk&Rica : VOIR.  Le sommaire :

  • Comment la fiction nous aide-t-elle à penser les futurs du travail  ?
  • Et si la robotisation précédait le robot  ?
  • Et si on se débarassait une fois pour toute de l’emploi ?
  • Et si nous acceptions le robot en nous ?

 

ROUHAN, Isabelle SCHMELCK, Clara-Doïna. Les métiers du futur. First Editions, 2019,

Un Cr de lecture sur un site de recrutement : VOIR.

 

STIEGLER, Bernard. La Société automatique. 1. L'Avenir du travail. 2015. Fayard. In CR de lecture par Guillaume FAUVEL sur Nonfiction.fr : VOIR.

 

ZEITOUN, Charline. Six scénarios d'un monde sans travail. Revue Carnet de sciences, n°3. Repris dans le journal du CNRS : VOIR.

 

ZEITOUN, Charline. À l’usine, au bureau, tous remplacés par des robots ? Revue Carnet de sciences, n°3. Repris dans le journal du CNRS  VOIR.

 

A propos du recueil de nouvelles de 2016 : Au bal des actifs - Demain le Travail, éditions La Volte. Des CR :

  • LLOYD, Chéry. Demain le Travail sera dur, c'est la science-fiction qui le dit. Sur le site du Point : VOIR.
  • Un podcast « Demain, le travail » vu par la science-fiction. Sur le site de Libération : ECOUTER.
  • Un podcast avec les auteurs sur le site de la CNT (2017) : ECOUTER.
  • COTTIN-MARX, Simon. Au bal des actifs. Quand la science-fiction s’empare du travail. Sur le site de la revue Mouvements : VOIR.

 

 

Sur le Web

 

AGGERI, Franck. Comment la science-fiction nourrit les entreprises. Alternatuives économiques : VOIR. (accès réservé)

 

BOYD, Stowe. What Will a Corporation Look Like in 2050 ? Sur Wired : VOIR.

 

DELORME, Eric. Usine du futur, du concret pour les industries après la science-fiction ! Sur le site VIF softwars : VOIR.

 

GARLOCK, Chris. Movies We Love about Workers, Work, and the Workplace. Sur Labornotes : VOIR.

 

KOECHLIN, Daniel. Travail et contradictions de classe vus par le cinéma de science-fiction américain au 21ème siècle. Séminaire HDEA-TCS : VOIR l'annonce. (CR non disponible)

 

LABORDE, Thomas. Has the future of work been predicted in science fiction films ? VOIR.

 

LUCKSAK-ROUGEAUX, Julia. Quand la science-fiction aide les entreprises à percevoir leur futur. Sur le site d'une entreprise spécialisée dans la prospective touristique : VOIR.

 

MALENGREAU, Denys. Futur du travail et 5G : science-fiction ou fait de science ? Sur Linkedin : VOIR.

 

MUSSET, Alain. Star Wars, une saga anticapitaliste ? Article sur ResearchGate : VOIR.

 

ROPERT, Pierre. A propos des prédictions d'Asimov, sur le site de France Culture, rubrique Savoirs : VOIR.

Texte traduit sur Framablog : VOIR.

 

VITAUX, Laetitia. Covid & futur du travail : ce que la science-fiction nous apprend pour demain. Sur le blog welcometothejungle : VOIR. (accès réservé)

 

How old movies predicted the future of work. Sur le blog Robin : VOIR.

 

The future of work. Dossier de The Economist : VOIR.

 

Le dossier de Nonfiction.fr, Le travail en débat : VOIR.

 

Automatisation et science-fiction… I Robot ou confort de travail ? Sur un blog : VOIR.

 

Le World Economic Forum a publié huit scénarios intitulés « huit futurs du travail » : VOIR.

 

Le World Economic Forum, le rapport 2020 sur le travail et l'emploi : VOIR.

 

A propos des métiers du futur :

  • Sur Jobat.be : VOIR.
  • Selon Le futurologue Gerd Leonhard sur un site suisse  : VOIR.
  • Sur le blog BDM par Favian ROPARS : VOIR.
  • Sur le Journal du Net, par Evan Davs : VOIR.

 

 

Regarder - Ecouter

 

Conférences de Catherine DUFOUR, "Le futur du travail, entre chômage et liberté" et de Daniel KOECHLIN, "Travail et contradiction de classe dans le cinéma de science-fiction du début du XXIème siècle". Dans le cadre du thème Penser l’avenir du travail. Utopies, prospectives et anticipations. 10° festival « Filmer le travail » (2019), Université de Poitiers : REGARDER.

 

 

A propos d'Elysium

 

DIDIER-FEVRE, Catherine. Elysium, le périurbain de demain ? Sur Hypothèses.org : VOIR.

 

PARENT, Olivier. Ce que Elysium nous dit sur demain. Chaine Youtube du CNES : REGARDER.

 

REGNIER, Isabelle. Elysium : sur Terre, les damnés, dans les airs, l'élite. Sur le site du Monde : VOIR.

 

SANTELLI, Matthieu. Elysium, La station spatiale dans le caniveau. Une critique (négative) sur Critikat : VOIR.

 

SOESENTO, Léo. Elysium, de la SF brutale et réaliste. Dans les Inroks : VOIR.

 

Elysium : Le film le plus sous-estimé de cette décennie ? Un article dusite Geekland : VOIR.

 

Elysium, entre bidonville terestre et paradis cosmique. Une analyse sur Trib'Art : VOIR.

 

Une analyse sur le blog Gowith : VOIR.

 

Cinéma: Elysium transporte la lutte des classes dans l'espace. Un article sur LePoint-Culture : VOIR.

 

 

A propos des films mentionnés

 

Filmographie

  • Une filmographie travail et métiers sur senscritique : VOIR.

 

The Hunger Games

  • YGLESIAS, Matthew. L’économie de «Hunger Games». Traduit et disponible sur Slate.fr : VOIR.

  • Dans le dossier Dystopie de Poenstock : VOIR.

 

Rollerball

  • Un article de Quentin COREY sur le blog A la rencontre du septieme art : VOIR.

 

Trépalium

  • RUMPALA, Yannick. Imaginer la fin du travail, au-delà de « Trepalium ». Sur non-ficiton.fr : VOIR.

 

Résumé (Wikipedia)

En 2154 la Terre est rongée par la maladie, la pollution et la surpopulation ; la violence est omniprésente. La fraction la plus riche de la population s'est réfugiée au sein d'une station orbitale, Elysium, où se trouvent des medbox, cabines médicales permettant une régénération instantanée des cellules du corps. Max (Matt Damon), simple ouvrier vivant dans un Los Angeles transformée en gigantesque favela, rêve de s'offrir un billet sur une navette clandestine à destination de la station. Mais, gravement irradié à la suite d'un accident sur son travail, Max n'a d'autres choix que de participer à l'enlèvement de John Carlyle (William Fichtner) , Pdg Armadyne Inc., société qui gère l'IA de la station. Il devra affronter la ministre de la défense d'Elysium (Jodie Foster) et son homme de main (Sharlto Copley) dans une lutte sans merci.

Par contre sur Elysium les nantis disposent d'IA performantes, au service de l'humain, dont l'incarnation la plus évidente est la Medbox, une IA médicale qui peut soigner toute sorte de maladies, le cancer inclus, et qui permet ainsi d'assurer aux résidents de la station orbitale une espérance de vie confortable.

A gauche une usine Mexicaine ; à droite l'usine où travaille Max

B- Mobilité(s) du travail

 

Le film propose sa vision de 2 actuelles mobilités du travail : les migrations transfrontalières et les migrations pendulaires.

En 19 minutes de vol spatial John Carlyle (William Fichtner), pdg d'Armadyne qui gère le système d'exploitation d'Elysium, se rend sur Terre pour le business. C'est un navetteur d'un nouveau genre dont la banlieue résidentielle est maintenant dans l'espace (une Gated Community spatiale en somme) ! Los Angeles ressemble à ces actuelles villes-frontières du Mexique truffées de Maquiladoras, D'ailleurs dans le film la ville semble être totalement latina et Matt Damon y paraît assez atypique.

Le rêve absolu des habitants de Los Angeles est de pouvoir rejoindre, un jour, Elysium. Au début du film on apprend que Max économise patiemment pour gagner le prix d'un billet pour un vol clandestin ; de même on voit des clandestins tenter de gagner la station orbitale mais se faire tuer ou arréter. Neil Blomkamp extrapole à partir de la crise actuelle des migrants et met en scène des flux migratoires alimentés par le dénuement économique et permis par de puissants réseaux de passeurs. Par contre l'autre moteur des migrations actuelles, le rêve démocratique, n'apparait pas.

II-Le travail : de sombres visions d'avenir


 

L'avenir du travail imaginé dans le cinéma de Sf est fortement marqué par l'époque dans laquelle les films ont été réalisés, on le sait depuis bien longtemps. Mais de Métropolis (Fritz Lang, 1927) à Elysium (Neil Blomkamp, 2013) la dystopie semble de rigueur quand le sujet (ou du moins un des sujets) principal du film porte justement sur le travail. On peut distinguer 2 périodes portant 2 visions l'une et l'autre glaçante du travail dans le cinéma de Sf.

 

 

A) Travail et système totalitaire

 

Dans les œuvres des années 30 aux années 80 le travail est souvent perçu à l'aune des régimes totalitaires. 3 œuvres littéraires en sont les fondations : Nous Autres (Ievgueni Zamiatine, 1924), Le Meilleur des mondes (Aldous Huxley, 1932), 1984 (Georges Orwell, 1948). Ils furent porté à l'écran dans les années 80-90 (pour Le meilleur des mondes par Burt Brinckerhoff en 1980 puis par Leslie Libman et Larry Williams en 1998 ; pour 1984 par Rudolph Cartier en 1954, Michael Anderson en 1956, Christopher Morahan en 1965 et surtout par Michael Radford, en 1984 ; pour Nous Autres par Vojtěch Jasný en 1982 et par Hamlet Dulyan en 2021 – non sorti encore -). Globalement la réflexion sur le travail s'inscrit dans un cadre totalitaire dans lequel le pouvoir politique contrôle et encadre le travailleur. Les modèles sont  surtout le Nazisme et le Stalinisme, modèles poussés jusqu'à l'absurdité : ainsi, dans 1984, le héros, Winston Smith (John Hurt dans le film de M. Radford) travaille à temps plein à la ré-écriture de l'histoire pour le compte du Ministère de la Vérité. Mais l'état totalitaire contrôle également le temps libre (et la vie privée). Les totalitarismes ne sont pas l'unique modèle, le Capitalisme est également mis en cause : ainsi dans Le meilleur des mondes c'est le Fordisme, poussé à son paroxysme, qui donne le cadre économique.

Dans ces fictions le travail est assimilé à une prison, des âmes et des corps. En 1927 Fritz Lang met en scène le monde souterrain de cette gigantesque ville qu'est Métropolis sous la forme de cohorte de travailleurs désuhmanisés et robotisés. Un monde-prison où le travailleur doit s'échapper, à l'image de THX 1138 (Robert Duval) dans le film éponyme de Georges Lucas (1971) ou de Sam Lowry (Jonathan Price) dans Brazil de Terry Gilliam (1985). Dans ces 3 films la photographie appuis pleinement le discours : l'absence de nuance colorée (le noir et blanc expressionniste de Métropolis, le blanc aseptisé pour le film de Lucas ou le gris pour Brazil) renforce l'idée que le travail est monotone et contraint.

B- Travail et libéralisme


Les films dystopiques mettant en scène travail et travailleurs du futur abandonnent peu à peu la dénonciation du totalitarisme pour celle de l'ultralibéralisme. C'est particulièrement vrai dans les productions des années post crise de 2008 comme ce fut le cas avec la série française Trépalium (Antarès Bassis et Sophie Hiet, 2016) qui décrit une société où les ¾ des gens cherchent un emploi et où la ségrégation (matérialisée par un mur) se fait entre les actifs de la Ville et les autres, sans emploi, de la Zone.

La Sf et son cinéma ont énormément mis en scène un capitalisme débridé, impitoyable prenant l'apparence des « entreprises diaboliques » (en anglais evil corporations). Dans ces dystopies la distinction entre le capital incarné par des sociétés géantes oligopolistiques (voire monopolistiques) et le travail hypertechnologique et déshumanisé est un moteur scénaristiques sur-développé :

  • Tyrell dans Blade Runner (Ridley Scott, 1982) ;
  • Weyland Yutani dans Alien (Ridley Scott, 1979) ;
  • Cyberdyne dans Terminator (James Cameron, 1984) ;
  • Omni Consumer Products dans Robocop (Paul Verhoeven, 1987) ;
  • Multi-National United dans District 9 (Neil Blomkamp, 2009)
  • Ressources Development Administration dans Avatar (James Cameron, 2009)

La Sf a beaucoup exploré la déshumanisation que produit le travail au sein de ces corporations. Elle reprend à son compte les analyses marxistes sur l’aliénation et l’exploitation mais également les phénomènes contemporains d’ubérisation. Surtout la Sf a imaginé que la ségrégation sociale par le travail irait très loin. Nous l'avons vu dans l'étude de cas à partir du film Elysium, cela apparaît aussi dans des films sortis après la crise de 2008 :

  • Time Out (Andrew Niccol, 2011), dans lequel le temps est littéralement de l'argent ;
  • Snowpiercer (Bong Joon-Ho, 2013), où les classes sociales sont compartimentées là aussi littéralement ;
  • Moon (Duncan Jones, 2009) met en scène Sam Berlle (Sam Rockwell) travaillant dans une station minière automatique sur le Lune... en fait c'est un clone que la société Lunar prévoit de changer régulièrement. Allégorie du travailleur interchangeable !

La palme revient peut-être à The Hunger Game (livres de Suzanne Collins adaptés à l'écran par Gary Ross puis Francis Lauwrence entre 2012 et 2015). Un modèle économique effrayant s'est développé à Panem, une sorte d'économie de marché socialiste, à la chinoise, puisque c'est à la fois un totalitarisme politique et un libéralisme économique biaisé puisque régi par un seul acheteur, le Capitole. Ce système repose sur une sorte d'économie extractive (ou extractivisme) : les districts sont spécialisés dans un secteur économique précis : le District 11 ce sont les fruits et légumes, le district 7 le bois, le 10 le bétail, le 9, les céréales ou encore le 11, le charbon. Cela s'accompagne d'une inégalité sociale vertigineuse.

 

Conclusion

 

Le travail, quand il est l'un des objets du film de Sf, est donc perçu, le plus souvent, comme aliénant et en aucune façon source d'épanouissement... Mais en creux (en observant les personnages dans leur "travail") on constate, au contraire, une réelle jouissance à travailler... dans des métiers nobles ou nouveaux. C'est ce que nous allons voir maintenant.

D- Le temps libre


N'oublions pas que le mot travail vient du latin « tripalium », instrument de torture à trois pieux et que le vocable robot vient du tchèque « robota » qui signifie « travail forcé »... même connoté de cette façon si négative, le travail est au cœur de toute vie sociale et personnelle. Une société dans laquelle le travail humain n'est plus nécessaire pose non seulement la question du temps libre mais aussi celle de l'utilité sociale ? Comment la Sf l'a-t-elle mis en perspectie ?

 

1- La fin du travail ?

 

Peu de films ont envisagé des sociétés « débarrassées » du fardeau du travail (à l'image du monde de la Culture imaginé par Iain M. Banks). Parfois, plutôt en creux qu'en pleins, des films dépeignent une « société d'oisifs » avec 4 pistes :

  • le fruit du travail des machines est redistribué à la population par l’État-providence (à l'image du monde de la Culture imaginé par l'écrivain Iain M. Banks où les richesses d'une économie de l'abondance sont redistribuées par les Mentaux) ;
  • une sorte de néo-Fordisme est instauré dans lequel les humains sont avant tout des consommateurs qui travaillent certes, mais dans des emplois peu utiles et bien payés. Le travail devenu inutile se perpétue comme moyen de contrôle social ;
  • la mise en place d'un système à la romaine, Panem & Circenses : des ultra riches redistribuent la richesse par clientélisme. Cela se devine dans le film Rollerbal de Norman Jewison (1975) dans lequel les ultra-riches des méga-corporations qui dominent la planète proposent un jeu ultraviolebt à la plèbe afin de la détourner de toutes idées politiques contestataires.
  • l'aggravation des inégalités entraine misère, révolte et même effondrement. Dans Metropolis (Fritz Lang, 1927) la fracture entre élite oisive et classes laborieuse est poussée à son paroxysme. L'effondrement se produira sans révolution mais par la collaboration de classes (influence de Théa Von Harbour, la femme de Lang, sensible aux idées nazies ?).

 

2- Elévation ou décadence ?

 

La Sf se pose donc la question d'un usage du temps libre généralisé : serait-ce l'élévation de l'espèce humaine ou au contraire sa décadence ?

  • Elévation ?

Le modèle reste le cycle de la Culture de Iain M. Banks dont on peut deviner que la Fédération des Planètes Unies de Star Trek repose sur un tel modèle d'abondance dans lequel le travail est plus opus que labora à l'image des aventuriers de l'Enterprise(6). Dans ces perspectives de société de l'abondance les hiérarchisations sociales perdurent. Isaac Asimov avait prédit un futur résolument optimiste dans lequel la technologie sera au service de l'homme et de son élévation spirituelle mais il avait averti sur le risque de l'ennui qui deviendrait un fléau des société d'abondance. Il écrivait « Les rares chanceux qui auront un travail créatif seront la vraie élite de l’humanité, car eux seuls feront plus que servir une machine. L’hypothèse la plus sombre que je puisse faire pour 2014 est que dans une société de loisirs forcés, le mot travail sera le plus valorisé du vocabulaire  ! »(7). Dans le film d'animation Wall-E (Andrew Stanton, 2008) les passagers de l'Axiom sont obèses et évoluent dans une sorte de galerie commerciale spatiale. C'est une représentation ironique où consommation et travail sont découplés.

 

  • Décadence

Certains films s'inspire de la décadence de la Rome Impériale : la richesse d'une élite oisive pratiquant l’évergétisme (le fameux panem et circenses) repose sur le travail des masses laborieuses et surtout sur  l'esclavage (dans la Sf celui des machines ?). Ainsi dans Zardoz (John Boorman, 1974) une élite d'immortels vit sans passion, se nourrissant de la violence et de la mort des autres. Dans La machine à explorer le temps (HG Wells, 1895 ; Georges Pal, 1960 ; Simon Wells, 2002) le découplage travail / oisiveté est poussé à son extrème dans la Terre des Elois et des Morlocks... sachant que le paradis social des Elois repose sur le travail des Morlocks, qui à leur tour se nourrissent (au sens propre du terme) des Elois !

Le travail, prison des âmes et du corps :

Brazil (haut - gauche)

Métropolis (haut - droit)

THX 1138 (bas - gauche)

III- Mutation ou fin du travail ?


 

La révolution technologique en cours (ce que Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee nomment Le Deuxième Âge de la machine ou que Bernard Stiegler évoque dans le tome 1 de La société du travail en faisant de la technologie à la fois le poison et le remède - pharmakon - au travail humain(2) voit les machines non plus compléter le travail humain mais le remplacer en s'emparant de fonctions cognitives considérées usuellement comme l'apanage de l'homme. Comment les films de Sf envisagent-ils un futur dans lequel les machines se sont substituer aux humains ? Dans lequel le capital (toujours les machines) a remplacé le travail ?

A- Le grand remplacement ?


En 1920, la pièce de théâtre de Karel Čapek, RUR (Rossumovi univerzální roboti) met en scène les 1ers « robots » (du tchèque robota, travail au sens de travail forcé). La pièce pose les 2 grandes questions à ce sujet : les machines se retourneront-elles un jour contre l'homme ? Et le travail humain sera-t-il un jour totalement assuré par les machines ? Oublions la 1ère (se reporter à l'article, sur ce site, consacré à L'Autre, les Machines et IA) et analysons comment le cinéma de Sf envisage la 2nde.

 

L’idée d'un grand remplacement du travailleur humain par la Machine est polémique : depuis des décennies on a compris que le progrès technique ne détruit pas massivement l’emploi (c'est, par exemple, la théorie du déversement émise par Alfred Sauvy ou celle de la destruction créatrice de Joseph Shumpeter). Mais selon une étude de l’OCDE en 2016(3): un emploi sur dix serait menacé par la prochaine « robolution » dans les pays les plus industrialisés. De même selon 352 experts en IA ce remplacement est en marche et pourrait nous donner un monde dans lequel pour 1 humain il y aurait 500 machines(4). Si la substitution du travailleur humain par la Machine n'est pas encore d'actualité il est vrai que l'IA aggrave les inégalités face à l'emploi (la qualification étant un facteur de cette inégalité) et pose la question de la répartition de la richesse puisque la production de celle-ci ne passe plus par le travail mais par le capital. La Sf a exploré ces hypothèses et a proposé des pistes pour un futur où l'humanité serait soit réduite au chômage et/ou l'oisiveté, soit, enfin libérée de la contrainte du travail, elle se consacrerait à sa vraie destinée, mais laquelle ?

Plus précisemment le cinéma de Sf a proposé 3 scénarii autour du progrès technologique et des IA(5).

  • Dans le 1er scénario le progrès technologique aboutit à une catastrophe : plus besoin de travailler puisque les Machines ont pris le pouvoir comme dans Terminator (James Cameron, 1984) ou Matrix (Lana et Lilly Wachowski, 1999) ; ou parce que le monde s'est effondré dans un apocalypse climatique comme dans 2012 (Roland Emmerich, 2009) ou Waterworld, (Kevin Reynolds, 1995) ou guerrière (les films d'invasion par exemple). La question est ainsi résolue !
  • Dans une 2nde hypothèse les machines et les IA font quasiment tout. Les films de Sf sont très vagues voire totalement muets sur le fonctionnement de ce nouveau système productif. Dans Star Wars, d'un coté on voit des usines automatisée comme celle de la fabrication des droids de combat dans l'épisode II, L'attaque des clones (Georges Lucas, 2002), laissant supposé que le travail humain n'est que résiduel mais d'un autre coté on voit Luke (Mark Hamill), dans sa ferme (épisode IV, Un nouvel espoir, Georges Lucas, 1977) sur Tatooine, bien occupé à un travail agricole qui ressemble fichtrement à ce qu'il est actuellement, un mélange de savoirs-faire agraires et de maîtrise technologique...
  • Mais, la plupart du temps, dans les sociétés futures décrites dans les films le travail humain côtoit le travail des machines et autres IA. Dans ce 3° scénario on distingue l'approche optimiste et les visions dystopiques. Dans la saga Star Trek (depuis 1966 à la télé et 1979 au cinéma) la technologie du réplicateur (une sorte d'imprimante 3D absolue) est présente dans la série bien qu'absente des films. Malgré tout, et dans les 2 cas, on ignore comment fonctionne la Fédération des Planètes Unies et quel statut a le travail humain ? Il semble que cet avenir soit assez harmonieux et, somme toute, assez proche de notre présent, à l'image du microcosme de l'Enterprise dans lequel le travailleur humain a toujours sa pleine et entière place, comme ingénieur en communication (Uhura - Nichelle Nicols puis Zoé Saldana), mécanicien (Scotty - James Doohan puis Simon Pegg) ou encore toubib (McCoy - DeForest Kelley puis Karl Urban).

 

Dans notre histoire des révoltes contre ce remplacement de l'homme par la machine se produisirent, comme les luddites ou les canuts lyonnais. La Sf l'évoque souvent dans les films où IA et machines tiennent un grand rôle. Mais, à l'image d'Elysium (traité plus haut) les révoltes sont surtout le fait d'individus héroiques sans véritables conscience politique.

B- De nouvelles perspectives pour le travail et les travailleurs

 

Les mode, outils et environnements de travail qui apparaissent dans les films de Sf sont des projections / représentations du futur tel qu'il est pensé à l'époque de réalisation dudit film. Parfois ces représentations ont été contredites par la suite.

 

1- Technologie et modernité

 

Comment représenter la modernité future ayant inévitablement envahie le monde du travail ? Cela dépend à la fois des représentations que l'on a à l'époque du film mais aussi des moyens technologiques à la disposition du réalisateur. Prenons 2 exemples : les bureaux et les écrans.

 

  • Les bureaux

Dans les films de Sf des années 50-80 les bureaux sont encore très classiques mais ils sont associés fréquemment à la notion de bureaucratie comme dans Brazil (Terry Gilliam, 1985) où les bureaux sont des espaces sombres et bruyants. Depuis les années 90 les bureaux sont avant tout de vastes open-spaces mais là aussi la vision est sombre : des bureaux aseptisés, sans vie comme dans Equilibrium (Kurt Wimmer, 2003) ou Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1997). Ces visions sont donc plutôt dystopiques et semblent aller à l'encontre de ce que sont les open-spaces actuels (voir le film Les stagiaires (Shawn Levy, 2013) qui montrent les espaces de travail chez Google).

De même les batiments de bureaux du futur ont longtemps été perçus comme de vastes immeubles, au design futuriste, comme les vastes batiments tout en hauteur de Rollerball (Norman Jewison, 1975) mais les campus numériques (sur l'image ci-dessous, le centre d'Apple) n'ont guère été anticipé par le cinéma de Sf !

2- Adaptation et nouveaux métiers

 

Selon le Forum Economique Mondial 85 millions d'emplois au cours des cinq prochaines années vont être obligés de muter et 97 millions de nouveaux postes seront créés par la robolution. De même la flexibilité va devenir l'une des compétence de plus en plus requise, avec la capacité pour les entreprises à reconvertir et perfectionner leurs employés. Le cinéma de Sf est terriblement timide et, somme toute, peu imaginative sur ce sujet. Les films de Sf ont bien sûr mis en scène de nouveaux métiers... mais est-ce bien vrai ? En fait la tendance est plutôt au recyclage et à l'adaptation de métiers bien connus dans des univers et des temps lointains avec 2 vedettes, le flic et le soldat. Ainsi les policiers enquêtent toujours, mais sur des suspects d'un nouveau genre comme les Aliens pour les MIB (Barry Sonnenfeld, 1997) les Répliquants pour les Blade Runners (Ridley Scott, 1982) ou les coupables de crimes non encore commis dans Minority Report (Steven Spielberg, 2002). De même les soldats combattent les menaces à l'échelle galactique cette fois soit avec de super-pouvoirs comme le Captain America (Joe Johnston, 2011)ou les chevaliers Jedi ; soit avec de super-armes comme les pilotes de Jaeger de Pacific Rim (Guillermo del Toro, 2013) ou Kirk et son Enterprise; soit à travers le temps et l'espace comme Valérian et Laureline (dans le film de Luc Besson, 2017). Parfois même le flic œuvre à l'ancienne sans que le contexte futuriste n'influe sur son job, comme le marshal O'Niel (Sean Connery) dans Outland (Peter Hyams, 1981).

 

Andrew Niccol dans Bienvenue à Gattaca (1998) poussera l'idée d'adaptation à son point culminant : la génétique permet à l'espèce humaine d'avancer vers le progrès, 'en l'occurence ici la conquête spatiale) en sélectionannt les meilleurs (les valides) pour les tâches nobles et laissant le travail d'exécutant aux autres (les invalides).

Conclusion générale

 

Le cinéma de Sf nous parle de l'avenir du travail plutôt en creux et plutôt de façon sombre voire dystopique. Après avoir épeint un avenir glaçant pour les travailleurs dans un futur totalitaire il s'est largement emparé des thématiques contemporaines pour livrer de féroces critiques du libéralisme (pas toujours très nuancées d'ailleurs) et penser l'avenir du travail humain, complété, magnifié ou dégradé par les machines et IA.

C'est souvent dans l'arrière-plan des grandes saga cosmiques qu'apparaissent les représentations les plus positives de l'avenir du travail. C'est aussi dans ces épopées galactiques que la Sf marie les innovations en matière de travail avec les concepts les plus éculés : le savoir-faire paysan cotoie l'usine entièrement automatisée ; l'enquéteur à la Bogart utilise des robots-policiers ; le mécanicien met encore les mains dans le camboui, même si c'est dans un moteur à distorsion !

Au final le cinéma de Sf s'il imagine des métiers nouveaux et des univers peuplés de robots n'a pas réellement pensé la dimension sociale voire sociétale du travail... peut-être un peu aride pour faire venir des spectateurs en salle non ?

  • Les écrans

Dans les années 50 on imagine des écrans énormes accolés à des ordinateurs massifs avec diodes colorées et courbes sinusoïdales à gogo ! Dans les années 90 les écrans sont devenus plats et les claviers sont encore là comme dans Le 5° élément (Luc Besson, 1997) où Zorg (Gary Oldman) tape sur un clavier pour donner ses ordres. Dans les années 2000 ce sont les écrans tactiles et affichages virtuels qui dominent comme dans Oblivion (Joseph Kosinski, 2013) ou dans Minority Report (Steven Spielberg, 2002) avec Tom Cruise et ses écrans transparents à commande tactile :

En haut : 2 vision sombres des open-spaces (Bienvenue à Gatacca et Equilibrium).

En bas : ensemble de bureaux dans Rollerball et sur le campus d'Apple (source).

3- La Sf comme outil prospectif

 

Une fonction de la Sf (et son cinéma) est, à défaut d'anticiper, au moins projeter le futur, cela peut devenir un argument pour produire et vendre. Voici comment, sur le site Web d'une entreprise de technologies nouvelles dédiées à l'entreprise, un outil type « gants connectés » est présenté : « Vous rappelez vous le capitaine Kirk, personnage de la série de science-fiction Star Trek créé en 1966 ? Pour échanger avec son équipage et son vaisseau spatial celui-ci utilisait un appareil sans fil : le communicator… A la manière du Captain Kirk dans Star Trek, l’opérateur d’aujourd’hui est équipé d’un gant scanner ultra léger, interfacé avec nos solutions. Il n’est plus contraint par les gestes qu’il doit effectuer : poser et reprendre sans cesse sa douchette ou son tracker. Il peut scanner, porter des cartons, enchaîner en quelques secondes ces actions simplement et facilement. Conséquence ? Avec des gestes plus naturels et plus fluides, sa productivité augmente. Nous envisageons actuellement une adaptation sur montre connectée. »

Dans le même ordre d'idée, ces dernières années, plusieurs agences spécialisées dans la prospective ont vu le jour. Des sociétés comme Near Future Laboratory ou SciFutures, n'hésitent pas à embaucher des auteurs auteurs de science-fiction à travers le monde pour écrire des scénarii de Sf et concevoir des objets pour le compte d’entreprises désireuses d'anticiper le futur de leurs activités (Ford, Nike, Visa, Boeing, Ikea…).

C- Les mobilités de travail

 

Le travail génère des déplacements. Actuellement la mobilité laborieuse s'exprime à l'échelle planétaire (migrations de travailleurs qualifiés et migrations de main-d'oeuvre) et locale (migrations pendulaires, migrations inter-régionales...). Les films de Sf nous font découvrir parfois ces mobilités.

Les migrations pendulaires peuvent changer d'échelle grace aux technologies de transport. Nous l'avons vu dans Elysium de Neil Blomkamp (2013). On le voit aussi dans l'adaptation du roman Total Recall de Philip K.Dick par Len Wiseman (2012) où les colonies spatiales sont remplacées par une situation étonnante : sur une Terre post-apocalypse l'Union Fédérale britannique exploite l’Australie (appelée « la colonie ») dont les travailleurs traversent quotidiennement et littéralement la planète avec un ascenseur géant traversant la croûte terrestre !

Les migrations de travail vers des colonies prometteuses (dans notre histoire le meilleur exemple fut l'arrivée massive d'Européens aux Etats-Unis au XIX° siècle), sont transposées à l'échelle galactique. Dans Avatar (James Cameron, 2009) n'oublions pas que Pandora est une sorte de colonie d'exploitation (l'unobtanium) et dans Outland (Peter Hyams, 1981) l'action se déroule sur une colonie minière.

Dans le film récent (et peut-être méconnu), Sleep Dealer (Alex Rivera, 2008), les travailleurs Mexicains de Tijuana, dans un futur proche, travaillent par connections neurales pour des usines situées aux Etats-Unis. C'est une allégorie des actuelles Maquilladoras (wiki), la dématérialisation succédant à la délocalisation !

A- Au travail ! L'homme et la machine

 

Dans le film la technologie est omniprésente mais selon 2 visions totalement opposées.

Sur la Terre des laissés pour compte les IA et robots ont envahi le quotidien des gens. Mais ces machines sont caricaturalement présentées de façon négative. Ce sont soit :

  • des robots policiers totalement insensibles ;
  • des IA-fonctionnaires omniprésentes mais hyperspécialisées, incapables de sortir du champ de leur attribution : la scène où Max se confronte à son agent de probation, au début du film, est extrèmement révélatrice (eng);

 

  • des robots industriels qui n'ont en rien remplacé les ouvriers qui continuent à travailler dans les usines, en fait des Maquiladoras (ces usines à main-d'oeuvre mexicaines travaillant en sous-traitant de firmes américaines) ; Max d'ailleurs travaille dans une usine qui fabrique des droides de sécurité. Hormis le produit fabriqué, rien ne distingue ces usines de 2154 des actuelles usines de production (automobile ou textile par exemple) de Tijuana ou Mexicali !

Sur Elysium, la Medbox

Neil Blomkamp a donc pris le partie de la caricature pour montrer cote à cote les 2 perspectives du progrès technologique : la face sombre où ladite technologie est au service d'un pouvoir quasi totalitaire et la face lumineuse où elle est au service de l'humanité... enfin d'une infime partie de cette humanité !

C- Fractures et luttes sociales

 

Bien sûr, au cœur du film, il y a cette vision sombrissime des inégalités sociales et de la frontère riches / pauvres. Ca n'est plus un mur qui sépare l'oligarchie de la plèbe mais bien 36 000 km d'espace ! Là encore la caricature est le partie pris du réalisateur : les masses laborieuses exploitées au profit d'une élite oisive (merci Fritz Lang !). De plus, comme dans de nombreux films de Sf dystopique, on constate la quasi disparition de l'état, surtout en temps qu'entité de régulation. Il existe bien un président (Patel - Faran Tahir -) mais de quoi ? Avec quel pouvoir ?

Neil Blomkamp nous dit aussi que la lutte contre ce système ne passe pas par les canaux habituels : partis politiques, syndicats, mouvements sociaux, etc. Nous sommes dans un film d'action n'oublions pas, et le salut viendra du combat désespéré d'un héro qui permettra d'abolir le système de castes et de diffuser à tous les bienfaits technologiques. Hum, hum, hum !

 

Conclusion

 

Faisant foin de toute vraissemblance scientifique Neil Blomkamp décrit, de façon ultra-manichéenne, une humanité fragmentée et, somme toute, bien inhumaine. Le travail s'exerce dans un cadre de dérégulation (économique et sociale) complète. Cette fable futuriste dénonce, en les caricaturant, les méfaits du libéralisme... On verra qu'il n'est pas, loin s'en faut, le seul à le faire.

L'autre point commun de ces dystopies c'est que le travail est le fondement d'inégalités sociales abyssales : une classe de privilégiés exercent des activités « nobles » face à un prolétariat manuel misèrable. Fritz Lang l'a mis magnifiquement en scène dans Métropolis. On constate que les classes moyennes disparaissent des écrans. Les 3 films cités insistent sur l'absurdité du travail dans les régimes totalitaires, les citoyens devenant des « machines à produire » systématiquement surveillés et encadrés puisque le temps libre est gèré par l'état.

Sleep Dealer, la BA.